IL N’Y A PAS DE PLACE POUR EUX
Un cri retentit douloureusement cette nuit de Noël : « Il n’y a pas de place pour eux. »
Je n’oublierai jamais mon premier Noël à Besançon. Nous préparions une crèche vivante avec une dizaine de migrants, chrétiens et musulmans. Après la lecture de l’évangile de la nativité, Besnick s’écria : « Mais c’est mon histoire ! »
« T’as pas ta place. » Comment ne pas penser à la population de Gaza, sommée de quitter le nord pour le sud de l’enclave. À peine installés dans des abris de fortune, les voici obligés de quitter la place. Nul lieu de refuge pour ces hommes, ces femmes, ces enfants.
Je pense aussi aux Palestiniens de Cisjordanie qui subissent des agressions quotidiennes de la part des colons visant à leur rendre la vie insupportable.
Nous regardons cela le cœur brisé. Que faisons-nous ? Un sentiment de honte m’envahit face à l’inaction de nos pays occidentaux. Le prix d’une vie n’est donc pas le même selon le pays où l’on naît ?
« T’as pas ta place. » Ce cri retentit douloureusement dans le cœur des enfants non désirés, mal-aimés, ou trop aimés, d’un amour dévorant. Ils chercheront toute leur vie la place et la sécurité qu’on ne leur a pas donnés à la naissance.
« T’as pas ta place. » N’est-ce pas le message que nos pays riches veulent faire passer à travers des lois sur l’immigration de plus en plus restrictives ?
Jésus lui-même vient habiter ce cri. En lui, Dieu vient réaliser la promesse faite jadis à Moïse : « J’ai vu la misère de mon peuple, j’ai entendu son cri et je suis descendu pour le délivrer. Va, je t’envoie. »
On l’attendait dans un palais, roi puissant entouré d’une armée ? Jésus naît au milieu de ces pauvres jetés sur la route à cause d’un recensement. Ce sont des nomades, des bergers, qui les premiers le reconnaissent. Jésus est l’un d’eux. En naissant parmi eux, comme eux, Jésus vient leur redonner leur dignité.
Toute sa vie, Jésus n’aura de cesse de rejoindre ceux que la société rejette ; les lépreux, la femme adultère, l’aveugle Bartimée… Mais aussi Zachée le collecteur d’impôt, honni par ses coreligionnaires. « Zachée, descends vite, aujourd’hui je viens demeurer chez toi. »
Pour demeurer chez nous, nous rejoindre dans l’épaisseur de notre vie, y compris dans ce qu’elle comporte de moins avouable, Jésus prend la place de l’esclave : « Laisse-toi laver les pieds. » Lui qui n’a pas d’endroit où poser la tête, il n’aura pas peur de prendre place sur la croix, nous rejoignant dans les enfers de nos vies.
Jésus, en ce soir de Noël, se fait mendiant, frappant à la porte de mon cœur : « Me feras-tu une place ? Es-tu assez pauvre pour te réjouir de ma présence ? »
Jésus, à chaque Eucharistie, ne cesse de nous redire : « faites ceci en mémoire de moi. » Quittez vos sécurités pour aller vers ceux qui n’ont pas de place. Soyez de ces hommes et ces femmes qui choisissent de partager la vie des plus fragiles.
Seigneur Jésus, donne-moi de m’ouvrir à toi tout entier,
de faire de ma vie ta demeure.
Aide-moi à vaincre les peurs qui m’enferment dans de fausses sécurités,
afin de me risquer au grand vent de la relation avec mes frères et sœurs
qui crient leur souffrance de ne pas avoir de place.
Frère Nicolas Morin