« Vous êtes tous frères »
L’encyclique du Pape : « Fratelli tutti » est un beau commentaire de l’Evangile d’aujourd’hui « Vous êtes tous frères ». C’est encore Saint François qui va inspirer le Pape : « Saint François, qui se sentait frère du soleil, de la mer, du vent, se sentait encore davantage uni à ceux qui étaient de sa propre chair…. Il s’est libéré de tout désir de suprématie sur les autres, s’est fait l’un des derniers et a cherché à vivre en harmonie avec tout le monde ».
Cette encyclique tombe dans un monde fracassé par des luttes fratricides violentes dont je ne vais pas faire la liste, car nous sommes déjà suffisamment matraqués par les médias. Certains sont tellement angoissés, qu’ils ne regardent plus les petits écrans. A ce propos le Pape a une petite note intéressante, et qui rejoint ce que nous disent les sociologues : « Nous sommes gavés de connexions et nous avons perdu le goût de la fraternité. Nous avons cherché le résultat rapide et sûr, et nous nous retrouvons opprimés par l’impatience et l’anxiété ». (33)
Mais nous pouvons nous poser la question : « Est-ce que l’humanité a toujours été violente, assassine et perverse ? Est-ce que le meurtre d’Abel par Caïn est une histoire passagère ? Il est intéressant que Paul Ricoeur, dans sa conférence aux 50 ans des Droits de l’Homme parlera du « meurtre fondamental »Il rejoint le Jésuite psychanalyste Bernaert sj qui dira : « Il faut reconnaître comme un phénomène indiscutable l’existence chez chacun de nous d’une impulsion hostile envers autrui. D’où le désir de mort et une agressivité primordiale au sein des rapports de l’homme à l’homme ».
Il faut donc reconnaître que cette agressivité n’est pas seulement dans le monde, mais elle est aussi en moi et même dans mes relations les plus proches et les plus fondamentales. Même chez ceux qui font profession de vie fraternelle il peut avoir cette « agressivité primordiale ». François demandera d’ailleurs à ses frères « de ne pas se donner des coups en paroles ». (I Rg. XI 1) Car nous savons bien que la première arme c’est la langue.
Cette agressivité fondamentale, Jésus l’a rencontrée avec d’autant plus de violence que sa parole était de feu, son amour sans faille et son regard pénétrait les cœurs. Il savait ce qu’il y avait dans le cœur de l’homme ! Et son cœur a été blessé avant ses mains et ses pieds. L’Evangile d’aujourd’hui est une réponse étonnante à l’agressivité qui blesse l’homme, à tout ce qui écrase, mutile, tue.
Le passage de Jésus parmi nous a bouleversé nos relations, les rôles que nous jouons et même les noms que nous nous donnons. Il vient nous apprendre que des noms comme « Maître, Père » ont changé de signification. Ils ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes, ou plutôt l’ombre d’un autre, de Jésus, de son Père des cieux.
Jésus était en telle symbiose avec son Père, que nos pouvoirs, nos maîtrises, nos paternités sont dorénavant en dépendance totale de la paternité de Dieu. Ce discours a fait l’effet d’une bombe dans le milieu juif puissamment hiérarchisé, avec les grands prêtres, les docteurs et les scribes. Toute distinction et dignité est renversée. L’échelle est mise à l’envers. Le plus grand devient le serviteur. Et ce cri : « Vous êtes tous frères » Car je suis là et mon Père est présent.
« Contrairement à ce que disait Sartre l’enfer ce n’est pas les autres, c’est ne pas exister pour les autres » (Albert Jacquard)
Frère Max de Wasseige