Marie de Magdala
(Pâques 2021 B)
Ce matin, une femme et deux hommes nous aideront à faire le chemin de la désespérance à l’espérance. Tout s’est passé si vite ! Les disciples avaient tellement misé sur Jésus. Il était tellement autre.
On ne pouvait oublier son regard, le ton de sa voix, ses gestes de miséricorde. Marie de Magdala a fait l’expérience de sa miséricorde. Pierre ne peut oublier les yeux de Jésus lors de son reniement et Jean se rappelait encore les battements de son cœur ! Plus un être vous aime, plus il vous a fait grandir, plus son absence est douloureuse à supporter.
Regardons les trois témoins de ce drame : D’abord Marie de Magdala. Le Vendredi Saint, sa vie a été tuée avec celle de son Seigneur. Il avait mis sur elle son manteau de miséricorde. Luc nous dira qu’elle avait 7 démons. (VIII 2) Nikos Kazantzakis ajoutera : « On l’accusait d’avoir en elle 7démons,en fait elle avait 7 couteaux dans le cœur. » C’est sans doute là son vrai drame !
Et la seule chose que Marie de Magdala garde encore c’est la tombe où repose celui qui lui a donné la Vie. A l’aube, alors qu’il faisait encore sombre – mais il faisait encore plus sombre dans son cœur- elle rend visite à son Seigneur pour trouver auprès de son tombeau un dernier lieu de repos où elle peut installer sa tristesse.
Cesser de l’aimer, elle ne le peut. S’arracher à lui ou l’oublier, elle ne le peut pas davantage. Son unique souhait, ne plus jamais le lâcher. Avec la force du désespoir, elle s’accroche à son corps meurtri et mort. Demeurer dans cette tristesse est la seule possibilité, pour elle, de demeurer auprès de son Seigneur. La seule chose qui lui reste c’est de couvrir et d’entourer le mort de sa douce tristesse. Mais que voit-elle ? La pierre a été roulée. Pour elle, cela signifie qu’on lui a ravi son dernier refuge, elle n’a plus rien à quoi s’accrocher, même plus son corps mort ! En pleurs, elle court trouver les deux disciples : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau ! » « Avez-vous vu celui que mon cœur aime ? » (Cantique des cantiques III 3)
Et les disciples, à leur tour, vont courir au tombeau. Le cœur lourd de tous les derniers événements. Pierre se rappelle le regard de Jésus après son reniement, celui-ci mal digéré lui donne des semelles de plomb. Tandis que Jean a son cœur qui bat encore à l’unisson du Maître. Il arrive le premier. Il est le plus jeune, il court plus vite. Est-ce seulement l’âge ? N’est-ce pas plutôt l’amour qui donne des ailes. Celui qui a mis sa tête sur la poitrine du Maître arrive le premier par l’élan du cœur
Mais il s’arrête interdit ! Il laisse Pierre rentrer par référence, le disciple bien aimé rentre à son tour. Les deux disciples ne voient pas la même chose : Tandis que Pierre regarde sans voir, s’interroge sans comprendre, ( car il est encore pris par le deuil de son reniement). Jean, lui, a les yeux plus clairs, le cœur plus transparent, il voit plus loin. Quand les yeux rejoignent le cœur tout ressuscite, tout s’illumine. « Il vit et il cru » Bien sûr que les signes sont fragiles : un tombeau vide, une absence mais pour dire une infinie présence !
Cette infinie présence peut encore frapper à notre porte aujourd’hui, souvent par surprise, même dans la nuit la plus noire, dans le tombeau le plus scellé, la prison la plus close. Un visitation ne s’attend pas, ne se prévoit pas , ne s’imagine pas. Car une visitation c’est toujours par surprise et la surprise, c’est Dieu. Il est vrai que nos yeux ne voient souvent que le tombeau vide. Et pourtant dans nos tombeaux apparemment vides de la présence de Dieu, la joie de Pâques nous attend tous et là où nous en sommes, avec la pesanteur de nos existences mais aussi avec la petite flamme de nos espérances.
N’est-ce pas l’expérience qu’on fait Marie de Magdala et les deux disciples. C’est l’histoire maintes fois racontée dans la Bible. Dans la plus grande des désespérances, dans les situations les plus inextricables, Dieu peut venir par surprise et nous dire « lève-toi, ne reste pas enfermé dans ton tombeau, moi j’en suis sorti. Viens avec moi, ensemble nous ferons de grandes choses, car il y a toujours un chemin possible ».
Un tombeau vide, une absence, pour dire une infinie présence !