« Quitte ta robe de tristesse et de misère »
En l’an de grâce 2021, Emmanuel Macron étant président de la République française, Anne Vignot, mairesse de Besançon, François, pape de l’Eglise catholique, alors que Jean-Marc Sauvé venait de remettre son rapport sur les abus sexuels dans l’Eglise et que Mgr Michel Aupetit, archevêque de Paris, avait remise sa démission, une parole fut adressée dans le désert à … ? A qui, au juste ? A toi ? A moi ? A qui veut bien ouvrir l’oreille de son cœur. « C’est le moment, l’heure est venue de sortir de votre sommeil, relevez-vous et redressez la tête, Dieu vient et il va accomplir sa promesse. »
Dieu tient parole. Mais sa promesse ne peut se réaliser que si elle trouve des cœurs qui écoutent et se laissent transformer par elle, des cœurs qui la prennent au sérieux, comme Jean-Baptiste. Oui, Dieu rêve d’accomplir sa promesse dans notre monde aujourd’hui, dans notre Eglise, dans notre vie, ma vie.
Pour réveiller notre espérance, l’Eglise convoque une parole oubliée, une parole presque vieille comme le monde, prononcée par le prophète Baruc il y a 2600 ans, alors que le peuple, exilé loin de sa terre et de lui-même, doutait de la promesse :
« Jérusalem, quitte ta robe de tristesse et de misère. » Cette invitation ne m’a pas quitté durant cette semaine de retraite à Paray-le-Monial. Nous la connaissons bien cette tristesse. Tristesse d’une société qui danse sur un abîme, qui s’étourdit pour se cacher qu’elle a perdu sa boussole, la direction de sa course effrénée vers un hypothétique progrès.
Mais ce vêtement de tristesse et de misère, c’est peut-être aussi le mien ? Ne représente-t-il pas ce moi préfabriqué, ce personnage que j’ai endossé depuis mon plus jeune âge afin de me faire accepter et aimer par mon entourage, sans voir que je me coupai alors de toute une richesse intérieure, que je laissai dans l’ombre des pans de ma personnalité ?
Comme le fils cadet de la parabole qui revient à la maison les vêtements en lambeaux, les sandales déchirées, le cœur brisé. Son Père, qui l’attendait depuis toujours, lui a simplement ouvert les bras, demandant à ses serviteurs : « Vite, apportez les plus beaux habits, mettez-lui des sandales aux pieds et un anneau au doigt. » Le voici revêtu d’un vêtement nouveau qui signifie : tu es bien de la famille, le lien entre nous ne s’est pas rompu, redeviens toi-même.
C’est bien ce que dit à sa manière le prophète Baruc : « Revêts la parure de gloire de Dieu pour toujours, enveloppe-toi dans le manteau de la justice de Dieu. » La gloire de Dieu, c’est de nous envelopper dans sa tendresse et sa miséricorde. Sa justice, c’est de rendre aux petits et aux humiliés leur dignité d’enfants bien-aimés du Père.
Dieu vient nous faire don d’une vie nouvelle, nous revêtir de sa propre vie, nous faire goûter à la joie du salut. « Car Dieu conduira Israël dans la joie, à la lumière de sa gloire avec sa miséricorde et sa justice. »Seulement, pour me laisser revêtir du vêtement de fête, il me faut accepter de quitter mon vieux vêtement. Sans doute est-il usé et sale, mais j’y suis habitué, j’ai appris à vivre avec. Le quitter, c’est prendre le risque de m’ouvrir à une vie nouvelle que je ne connais pas, que je ne maitrise pas, prendre le risque de la confiance en Dieu, en sa promesse.
Samedi prochain, nous allons vivre un temps de grâce et réconciliation à la Crypte, un temps où nous pourrons remettre au Seigneur notre vêtement de tristesse et de misère pour nous revêtir de sa miséricorde. Alors sa parole jaillira en nous comme au premier jour, une parole qui nous rend à nous même, comme une nouvelle création.
frère Nicolas Morin