Le cœur de la Règle écrite par François pour ses frères est celui-ci : « Les frères désireront par-dessus tout avoir l’Esprit du Seigneur et le laisser agir en eux ».
Et à saint Antoine, il écrira : « Il me plait que tu lises aux frères la sainte théologie, pourvu que dans cette étude, tu n’éteignes point en toi l’esprit de prière et de dévotion, comme il est écrit dans la règle. »
Avoir l’Esprit du Seigneur et le laisser agir en nous. N’est-ce pas tout ce que l’on pourrait se souhaiter en cette fête de la Pentecôte ?
Avoir l’Esprit du Seigneur. Le verbe avoir est trompeur. On ne possède pas l’Esprit Saint. Il est toujours donné, gratuitement. Bien souvent, nous ignorons tout de son existence et pourtant, c’est lui qui nous fait exister. Le frère Aloïs, de Taizé, a cette belle expression : « Si l’Esprit Saint reste souvent discret, s’effaçant lui-même, c’est qu’il ne veut pas prendre notre place, mais plutôt fortifier notre personne. Au fond de notre être, il dit inlassablement le oui de Dieu à notre existence. Alors, il est une prière accessible à chacun : « Que ton souffle me conduise » Psaume 143,10. Portés par ce souffle, nous pouvons avancer ».
L’Esprit Saint est comme le souffle en nous, comme notre respiration. D’ailleurs le même terme hébreu, ruah, signifie le vent, le souffle, mais aussi l’esprit.
Le monde, à son origine, naît du souffle de Dieu, et Jésus ressuscité souffle sur ses apôtres afin de les faire participer à sa vie même. « Recevez l’Esprit Saint. »
On pourrait dire que Dieu respire en moi. La vie de Dieu m’est donnée aussi naturellement que le souffle que j’inspire et qui irrigue mes poumons, puis tout mon corps. Il suffit que j’arrête de respirer trois minutes pour que mon cerveau connaisse des lésions irrémédiables. Ma vie, ma survie, dépend de cet élément que je ne vois pas, auquel je ne pense pas, que l’on appelle oxygène.
Et bien la vie de l’Esprit de Dieu en moi est comme l’oxygène. Je peux passer ma vie sans le remarquer, et pourtant il est là, présent, agissant, qui sans cesse me met en état de créer, d’inventer ma vie.
Jésus disparaît à nos yeux pour nous faire comprendre que désormais, le Royaume de Dieu se joue à l’intérieur de nous-même. « Dieu est plus nous-mêmes que nous-mêmes », aimait dire saint Augustin.
Être chrétien, c’est d’abord s’ouvrir à cette réalité profonde de nos vies : nous sommes habités par Dieu, animés par son Esprit. Ce même Esprit qui habitait toute la vie de Jésus et irriguait ses paroles et ses actes.
Peut-être vous demandez-vous comment reconnaître l’Esprit du Seigneur ? Que signifie se mettre sous la conduite de l’Esprit, comme nous y invite fortement saint Paul ?
Prenons une image. Imaginez un voilier quittant son port d’attache avec le désir de gagner le large. Ce voilier représente chacun de nous, mais aussi nos familles, nos communautés.
Si nous souhaitons voguer vers le large, cela peut paraître simpliste, mais il faut larguer les amarres. Il y a toujours un risque à quitter le port. Le désir du large doit être plus grand que mes habitudes, la terre connue.
Il nous faut ensuite hisser la voile. Sans voile, nous risquons d’être comme ces embarcations qui vont et viennent, à la merci des courants et des vents contraires, sans but, sans direction.
Le plus dur n’est pas tant de hisser la voile que de se mettre dans le sens du vent. Et le vent, pour nous chrétien, c’est L’Esprit Saint. Ce n’est pas simple de jouer avec le vent afin qu’il nous oriente dans la bonne direction. Cela demande un long apprentissage.
Paul, dans sa lettre aux Galates, nous parle d’ailleurs des vents contraires qui nous entraînent dans des directions opposées : « jalousie, colère, divisions, sectarisme… »
Se mettre dans le sens du vent ne suffit pas encore. Nous avons besoin de quelques instruments de mesure et plus encore d’un bon gouvernail. Un chrétien ne peut espérer progresser sur la route de l’Évangile sans cultiver son intériorité par la prière, la lecture de la Parole de Dieu, le partage…
Comment reconnaître que nous sommes dans la bonne direction ? Comment savoir si nous sommes habités par l’Esprit du Seigneur ? Saint Paul nous livre quelques indices : « Voilà ce que produit l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, humilité et maîtrise de soi ». (Entre parenthèse, nous avons là un magnifique portait de Jésus). Ainsi donc, peu à peu, imperceptiblement, l’Esprit Saint nous transforme de l’intérieur et nous donne de ressembler de plus en plus à Jésus.
Et à notre tour, à la suite de Jésus, nous voici témoins de cet amour de Dieu qui nous embrase et nous fait vivre. Comme les Apôtres le matin de la Pentecôte.
Ce que je trouve très beau, c’est que le premier fruit de l’Esprit, c’est la communion. Chacun entend proclamer les merveilles de Dieu dans sa langue. L’Esprit est le seul ciment capable de rassembler des peuples si différents.
Mais j’arrête là les mots. L’Esprit à besoin de silence pour murmurer à notre cœur les mots de l’amour. Viens, Esprit Saint, viens éclairer nos cœurs !