Homélie du 11 décembre, 3ème dimanche de l’Avent – Année C

ES-TU CELUI QUI DOIT VENIR ? Mt 11, 2-11

« Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » Entendons tout ce qu’il y a de douloureux dans cette question que pose Jean-Baptiste à Jésus. Jean-Baptiste est porteur de l’accomplissement de la promesse de Dieu en la venue d’un Messie. Et il a vigoureusement exhorté ses contemporains à s’y préparer en changeant concrètement leurs modes de vivre. En voyant Jésus, il a eu cette révélation, cette conviction profonde que c’était lui le Messie, l’envoyé de Dieu, celui qui viendrait enfin établir le Royaume de justice et de paix ; celui qui rendrait aux pauvres et aux humiliés leur dignité. Quelle émotion a dû ressentir Jean-Baptiste ce jour où il a passé le témoin, invitant ses disciples à le quitter pour suivre Jésus : « C’est lui, l’Agneau de Dieu, suivez-le ! », « Il faut qu’il croisse et que moi je diminue ».

Et voilà que celui-là même qui annonce la libération d’Israël se retrouve en prison. Il y a de quoi être saisi par le doute ! Jean-Baptiste se serait-il trompé ? Aurait-il donné sa vie pour rien ? Jésus est tellement aux antipodes du Messie que Jean-Baptiste attendait et annonçait. Il attendait l’homme providentiel, qui prendrait la tête de son peuple afin de mener une croisade de libération, lui rendant sa fierté et sa place de peuple élu, choisi par Dieu parmi tous les peuples. Et voici que Jésus apparaît comme l’anti-héros par excellence, passant le plus clair de son temps avec les petits, les exclus, les pêcheurs publics… Bien sûr, il y les guérisons et ces foules qui le suivent ; mais Jésus se dérobe dès que le peuple veut le faire roi. Qui est donc réellement ce Jésus si déroutant, échappant à toutes nos catégories ?

N’avez-vous jamais ressenti le vertige du doute, lorsque toutes les certitudes d’hier, tout ce qui paraissait si lumineux, si plein de sens, ne signifie plus rien ? Lorsque la beauté de la foi laisse place à une nuit profonde ?

N’est-ce pas le même doute qui nous submerge parfois par rapport à nous-même ou bien dans nos relations ? Lorsque l’image idéale que j’essayais de me forger se fissure et laisse apparaître toute ma misère. Lorsque je découvre que mon conjoint, ou mon frère dans la communauté, n’est pas comme je l’avais rêvé. Lorsque je découvre que c’est moi que j’aimais dans la relation et qu’il me faut maintenant apprendre à aimer l’autre tel qu’il est et non tel que je voudrais qu’il soit !

Peut-être ces moments de doute sont-ils un passage obligé pour que nous accédions enfin à nous-mêmes, et que nous devenions capables de vivre de vraies relations, librement assumées.

Jean-Baptiste doit mourir à l’image idéale qu’il se fait de Jésus pour l’accueillir tel qu’il est. Nous devons chaque matin chasser toutes les projections que nous avons de Dieu pour l’accueillir tel qu’il est, toujours déroutant, nous attendant là où nous ne le cherchons pas.

« Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? »

Jésus invite Jean à écouter et à regarder.

Ecoute et regarde ton histoire : combien de fois, dans le passé, Dieu a-t-il libéré son peuple, comme en ce jour de joie et d’allégresse évoqué par le prophète Isaïe ? Crois-tu Dieu incapable de renouveler un tel exploit ?

Ecoute et regarde ce qui se passe aujourd’hui sous tes yeux. Ne vois-tu pas les pauvres reprendre espoir, les humiliés oser vivre debout, les pécheurs chanter leur joie du pardon reçu ? Quel regard portons-nous sur le monde, sur l’histoire des hommes, sur notre vie ? Est-ce un regard de foi et d’espérance sur l’homme ?

Ecoute et regarde ce monde qui vient. Ne limite pas ton horizon à un passé révolu, ni même à un présent étriqué. Comme le cultivateur devine la germination du blé sous une terre apparemment sans vie, cultive avec patience cet espace en toi qui verra germer la vie de Dieu.

Ecoute et regarde. Il nous reste si peu de temps avant de fêter Noël ! Saurons-nous nous arrêter quelques minutes par jour pour préparer amoureusement ce lieu le plus secret en nous, ce lieu où Dieu vient naître, ce lieu où se joue à chaque instant la rencontre du Dieu très haut avec le pécheur que nous sommes ?

Ecoute et regarde. Si tu fais de ta vie une crèche pour accueillir Jésus, alors il fera de toi un homme libre, capable, enfin, de dire : je t’aime !

Frère Nicolas Morin

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