Homélie du 18 septembre, 25ème dimanche du Temps Ordinaire – Année C

Voilà un évangile bien curieux !

Que veut nous dire Jésus à travers cette parabole difficile?

D’abord que c’est Dieu le riche et unique propriétaire de tous les biens de l’univers. Nous ne sommes que ses serviteurs, ses gérants, ses intendants, ses locataires. Aussi quand on lui apprend qu’un de ses gérants dilapide son bien, il le convoque. Mais au lieu de se mettre dans une grande colère et de lui retirer immédiatement sa gérance, il le laisse en place provisoirement pour qu’il rende compte de sa gestion. Et l’autre ne va pas manquer d’en profiter, tellement bien que le maître va le féliciter de son habileté. « Bravo, tu as réussi à te débrouiller, tu es un malin ! Vous les autres prenez en de la graine ! »

Mais qu’est ce qu’il y a d’évangélique dans tout cela ? C’est un scandale.         

Mais c’est une parabole qu’utilise Jésus et comme toute parabole, il y a le danger de s’arrêter à l’histoire elle même. Ce que Jésus loue, ce n’est pas la malhonnêteté de ce gérant débrouillard mais l’habileté et la rapidité exemplaires avec lesquelles, confronté à une situation critique, il a assuré malgré tout son avenir dans ce monde. Dieu demande aux « fils de la lumière » d’essayer de faire preuve de la même rapidité  et de la même habileté de décision pour assurer leur avenir de bonheur éternel. Et cela nous permet de découvrir déjà un peu qui est notre Dieu.

Souvent nous sommes obnubilés et nous nous scandalisons du mal qui existe à tous les niveaux dans notre monde. Cela peut nous désespérer surtout si nous avons du mal à comprendre l’incroyable bonté et l’immense patience de Dieu qui accorde des délais aux loups et aux requins pour qu’ils puissent se convertir, au risque qu’ils utilisent ce temps de grâce pour continuer leur brigandage. N’oublions jamais que Dieu notre Sauveur, dit Paul, « veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité« .Nous voudrions tellement arracher l’ivraie, tellement vite déraciner les arbres pourris ! 

Mais Dieu donne sa confiance à l’homme jusqu’au bout. Et c’est pourquoi il faut profiter du temps qui nous reste pour mettre en ordre notre comptabilité. Et l’ordre de Dieu c’est l’ordre de l’Amour. Profitons en pour choisir Dieu comme unique Seigneur et pour lui dire : «  tout ce que tu m’as confié provisoirement Seigneur, mon corps, mes biens, mes talents, la nature qui m’entoure je me prépare à te les rendre en les ayant fait fructifier. Car le gaspillage de tes biens serait de tout garder pour moi seul, égoïstement. « Celui qui est digne de confiance dans la moindre chose est digne de confiance aussi dans une grande » Et l’une de ces moindre choses c’est l’argent . Il ne faut pas trop vite dénigrer l’argent et les efforts faits pour en acquérir. Ils représentent en effet  une tranche de vie humaine, il représente le temps, le travail qu’il a fallu pour le gagner. C’est en outre un instrument indispensable aux relations entre les hommes. 

On peut et on doit gagner de l’argent pour pouvoir vivre dignement. C’est un grand malheur que certains ne le puissent pas. Mais s’ils ne le peuvent pas, c’est pour une bonne part, parce que d’autres lui vouent un culte. Aujourd’hui, hélas, comme au temps de Jésus les hommes sont  toujours astucieux pour gagner de l’argent, réaliser de bonnes affaires, alimenter caisses noires et comptes suisses, fabriquer de fausses factures et créer des sociétés de façade pour détourner ou blanchir des revenus douteux. Mais même cet argent que Jésus appelle malhonnête ne peut nous apporter un vrai bonheur, ne peut nous faire acquérir le bien véritable. Pourquoi ? Parce qu’il est un «  bien étranger » : il ne fait pas corps avec nous et peut être séparé de nous. Il n’est pas fiable car il nous laisse tomber au moment où nous avons besoin du plus grand secours, à l’heure de notre mort. Nous ne pouvons rien donner en échange de notre vie.

La bonne question est donc : en quoi, en qui pouvons nous mettre notre confiance ?

La santé, la force, la beauté, l’autorité morale ou sociale et même l’intelligence sont aussi des biens étrangers qui peuvent nous être enlevés et dont de toute façon, le temps nous prive. Alors en face de ces biens trompeurs, quel est le bien véritable ? On sait que le mot « vérité », dans l’Ecriture, est pratiquement synonyme de solidité et de fidélité ; et dire que notre Dieu est le « Dieu  véritable » revient  à dire : « Dieu en qui je peux me fier ». Car c’est Lui qui nous fait être, Lui qui nous fonde. Et cela définitivement car nous dit St Jacques dans sa lettre « Dieu ne connaît ni changement ni ombre de variation » .  

Et nous ne pouvons accéder au Bien Véritable qui est aussi notre bien propre qu’en passant, fidèles et sûrs, par tout ce que la création nous offre et en particulier la gestion de l’argent que Dieu nous confie.  Voilà  la pointe de la parabole de St Luc: « Et bien moi je vous le dis : faites vous des amis avec l’argent malhonnête, afin que le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles. » Servez vous de l’argent que vous avez en plus de votre nécessaire pour vivre honnêtement , pour créer des liens, pour mettre dans ce monde de l’amour, cet amour qui est présence de Dieu.

Notre projet à nous enfants de lumière c’est de dépenser et de nous dépenser pour Dieu et pour tous les hommes, surtout les plus démunis, par lesquels Dieu se rend présent.

 » La charité ne passera jamais  » (1 cor 13,8). Elle traverse la mort. Et c’est par tous ces gens dont nous aurons été solidaires que nous serons accueillis dans les demeures éternelles.

Gérard Barthe

                                                              

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