Homélie du 1er mai : 3ème dimanche de Pâques – Année C

TOUS EMBARQUÉS (Jean 21)

Le chapitre 21 de l’évangile de Jean (un ajout tardif, il suffit de relire la conclusion du chapitre 20) est tout entier tourné vers la mission de l’Église. On pourrait même dire qu’il marque l’an I de l’Église. Il en donne les fondements.

L’évangéliste prend soin de nous présenter sept disciples, dont cinq sont nommés. Pourquoi sept ? On sait que c’est le nombre parfait, la totalité. Les sept représentent donc tout le peuple croyant, toi, moi, nous tous embarqués pour une commune aventure. Car la barque est bien l’image de l’Église affrontant la mer, parfois déchaînée, parfois nourricière.

Pierre, de nouveau, a l’initiative. Il est montré en chef de file de la communauté naissante. « Je m’en vais à la pêche. » Ils lui répondent : « Nous aussi, nous allons avec toi. »

Mais rien ne se passe comme ils l’avaient prévu. Leur bel enthousiasme se heurte à la dure réalité de la vie : « Or, cette nuit-là, ils ne prirent rien. » Expérience douloureuse et décapante de l’échec. Pierre, habituellement si sûr de lui, se retrouve les mains vides. Comme elle a dû être longue cette nuit sur le lac. Et la désillusion à la mesure de sa fausse assurance. Prenez le temps de contempler ce filet vide au petit matin. Que représente-t-il pour vous ? Tant d’efforts pour rien ! À quoi bon ! Dieu n’est pas juste !

Et si l’échec sur le chemin de Pierre était pour lui une chance ? N’a-t-il pas besoin d’expérimenter sa radicale pauvreté pour oser enfin faire confiance à Jésus et tout remettre entre ses mains ?

Au petit matin, un homme sur le rivage interpelle les apôtres : « Les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ? » « Non, répondent les apôtres tout tristes, nous n’avons rien. » Ils ne savent plus que faire, comment faire. Ils ne peuvent plus compter sur leurs propres forces, sur leurs seules compétences.

Peut-être est-ce parce qu’ils se découvrent pauvres qu’ils tendent l’oreille et écoutent la voix de celui qui, sur le rivage, les invite à la confiance, à recommencer. « Jetez le filet à droite de la barque, leur dit-il, et vous trouverez. » Les apôtres lui font confiance.

« Ils jetèrent donc les filets et cette fois ils n’arrivaient pas à le ramener tellement il y avait de poissons. » 153 poissons, nous dit le texte, autant que les espèces répertoriées à l’époque. Ce filet plein à craquer qui ne se rompt pas est une belle image de l’Église appelée à rassemblée tous les hommes dans une communion d’amour.

C’est alors que les yeux de Pierre s’ouvrent et qu’il reconnaît Jésus. Cette pêche miraculeuse ne peut qu’être l’œuvre du Ressuscité.

Il faut avoir traversé la nuit du doute, de la faiblesse, de la trahison même, pour enfin s’ouvrir à la grâce.

Il faut mourir à soi-même et à ses illusions de sauver le monde, pour laisser le Christ ressuscité vivre et agir dans nos vies.

À la lumière de cet Évangile, nous pourrions nous demander où nous en sommes dans notre chemin spirituel :

– Suis-je toujours habité par le rêve de mener seul ma barque, de construire ma vie à la force du poignet, de sauver le monde par mes propres forces ?

РSuis-je au contraire abattu et d̩prim̩, doutant de moi-m̻me et des autres, ne croyant plus en rien ?

– Ou bien, connaissant mes qualités mais aussi mes faiblesses, ai-je le désir de prendre le risque d’écouter la Parole de Jésus, d’accueillir son appel à jeter de nouveau le filet, à me remettre en route, confiant en la force de son Esprit Saint qu’il me donne ?

Seigneur Jésus, aujourd’hui encore, tu te tiens au bord du lac et tu m’appelles.

Malgré mes doutes, mes peurs, mes trahisons, tu continues à me faire confiance.

La seule question qui compte, la seule que tu me poses, c’est : « Est-ce que tu m’aimes ? Es-tu prêt à prendre le risque de te laisser aimer pour aimer, à me suivre sur le chemin d’une vie donnée ? »

Aujourd’hui, demain et tous les jours de ma vie, je veux garder dans le cœur cette question. C’est chaque matin qu’il me faudra donner la réponse.

Frère Nicolas Morin

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