« En Marche »
Les Béatitudes sont prononcées sur la montagne. Dans la plupart des religions, la montagne est considérée comme le point où le ciel rencontre la terre. C’est sur la montagne qu’Il va exposer cette parole initiatique qui est la fougueuse prédication des origines. Parole publique qui est embrasement et ébranlement. Exposition d’une loi radicale qui est martelée avec force. Mais cette loi est une voix. Une voix qui vient du fond de l’âme, du fond des âges. Mais c’est aussi une voie, une parole qui mène plus loin. Chouraqui, traduira le terme « heureux » par « en marche ». Comme si nous devions marcher sur le chemin des Béatitudes. Chemin pas toujours facile car nous pouvons rencontrer la faim, les larmes, la soif, les persécutions.
En traits de feu, dans une parole serrée, rythmée, impérieuse, Jésus livre le fond de son âme et indique la vraie joie à ceux qui veulent le suivre. Mais avant de prononcer ces paroles de feu, Jésus apprit auprès de son Père les mœurs divines. Car Dieu n’est pas le Super-Pharaon qui se regarde, s’admire, se célèbre, mais il est le Pauvre par excellence. Il est le Miséricordieux, l’éternel Bon Samaritain qui se penche sur nos blessures.
Ainsi, avant de prononcer les 9 fois « Heureux » Jésus les a laissés descendre dans le fond de son être. Les Béatitudes sont la meilleure description de son être profond. C’est lui le Pauvre, le Doux, le Miséricordieux, le Cœur pur, l’Artisan de paix. Et il sera tellement assoiffé de justice qu’il sera insulté, persécuté.
C’est vrai les Béatitudes, à notre surprise, sont presque toujours liées à quelque disgrâce de notre humanité. C’est comme si le Royaume se laissait entrevoir qu’à travers un certain creux de l’existence. Disons le mot, à travers le drame de notre vie. Mais ces creux, ces drames s’ils sont acceptés et portés avec Celui qui frappe à notre porte pour nous dire : « Je suis avec toi pour porter ta croix, car je t’ai devancé sur le chemin. »
Mais Jésus a vécu une vie si dense, si amoureuse, si courte que nous sommes parfois découragé à le suivre. C’est pour cela que la fête de la Toussaint nous est donnée. Le saint nous montre que c’est possible de vivre les Béatitudes, de se mettre « en marche » derrière Jésus. Ils ne sont pas des saints auréolés dans une niche mais des hommes et des femmes ordinaires habités par une passion extraordinaire.
Dans un saint il y a toujours un grand démon ! Je suis toujours plus aidé à entendre leurs défauts, qu’à écouter leurs biographes parlant d’une vie sans faille. J’aime Saint Augustin qui se décrivait : « Vilain, bancal, crasseux, couvert de taches et d’ulcères, troublé dans les vapeurs de la passion ».Et Saint Dominique qui s’accusait du plaisir d’écouter les jolies femmes ! Marie Noël, qui sera sans doute canonisée, osera dira : « L’heure terrible où Dieu n’est pas vrai et où je continue à l’aimer quand même » ! Et malgré leurs failles, ils se sont mit « en marche » pour vivre avec passion les Béatitudes. Nous pouvons dire avec Saint Ignace : « Pourquoi pas moi ! »
Heureux celui qui a un cœur de pauvre
L’amour de Dieu est son royaume.
Heureux celui qui par amour a de la peine
Le sang de Dieu coule en ses veines !
Frère Max de Wasseige