Homélie du 2ᵉ dimanche de carême, année B

Transfiguration

Avec ce deuxième dimanche de Carême nous passons de la tentation à la transfiguration. Quel contraste entre Jésus qui apparaît entre les deux grandes figures d’Israël Moïse et Elie, ces géants du désert et Jésus qui sera crucifié entre deux brigands ? Deux visages : Jésus transfiguré et bientôt Jésus défiguré !

Pierre, Jacques et Jean sont éblouis par ce visage qui porte déjà la splendeur de la vie éternelle. Ils sont tellement émerveillés que Pierre voudra éterniser cet instant de lumière . Il veut même construire trois tentes pour que cette joie ne se tarisse pas, qu’elle demeure à jamais, qu’elle soit scellée dans le tabernacle. Et l’Evangile nous dira : « Pierre ne savait que dire ,tant leur frayeur était grande ! Â» On peut comprendre !

Pierre n’a pas fini de parler qu’une nuée apparaît et le visage illuminé disparaît . La nuée dans l’Ancien Testament est toujours signe et voile de la présence de Dieu. Signe de la présence et voile car on ne peut pas voir Dieu face à face. Pierre ne peut pas s’installer et retenir la lumière dans une tente ou dans ses mains. Il ne pourra la retenir que dans son cœur et en faire mémoire quand il sera pris dans les ténèbres du reniement.

Mais c’est dans la nuée qu’une voix se fait entendre. La voix de Celui qui sans cesse parlera au cÅ“ur de Jésus. La voix qui déjà au Baptême se fit entendre « Celui-ci est mon Fils bien-aimé Â» Mais ici la voix ajoutera : « Ecoutez-le Â» On ne l’écoutera pas ! Au contraire . Son message de réconciliation de l’homme avec Dieu ne provoquera que haine, rejet et cruauté. Car le Tabor a pour contre- partie le Vendredi Saint. On lui arrachera violemment ses vêtements de lumière, on le mettra au défi d’obtenir le secours d’Elie parce qu’on croyait qu’il appelait Elie, alors qu’en réalité il s’adressait à son Père.

Après la vision, la voix. Après le regard illuminé la douce voix du Père. Maintenant Pierre devra redescendre de la montagne. Il a vu la lumière , il a entendu la voix. Aux heures sombres il pourra se souvenir. Saint Augustin dira « Descends Pierre, tu voulais te reposer sur la montagne. Descends, proclame la Parole que tu as entendue, interviens à temps et à contre temps…encourage avec bonté…travaille, prends de la peine Â» .(Sermon 78)

C’est l’éternelle tentation de garder pour soi ces instants de lumière, d’enfermer dans nos mains, dans notre tente l’amour reçu, la parole qui illumine, le visage transfiguré rencontré. Car si nous sommes attentifs et suffisamment intériorisés, nous avons tous découvert, un jour où l’autre, un visage illuminé, une parole douce et réconfortante, une beauté divine. Et si dans les moments de ténèbres nous pouvons nous souvenir de ces instants de lumière, ils pourront alors illuminer nos ténèbres.

Nous pourrons peut-être aller plus loin. Ces petites transfigurations qui ont traversé nos vies, nous pourrons les partager avec tous les défigurés que nous rencontrons sur le chemin. Tous ces être défigurés que notre société engendre si facilement et qui demandent de rencontrer un sourire, une parole réconfortante, un engagement de solidarité. Le Pape François ne dit-il pas dans son encyclique Fratelli tutti : « Ce n’est pas perdre son temps que d’aimer le plus petit des hommes comme un frère, comme s’il était seul au monde. Â» (No 193)

Oui, Il s’est passé quelque chose sur la montagne : le visage et la chair du Christ étaient pénétrés de lumière. Il portait en lui toute la clarté de Dieu. Et le Dieu impensable a levé son voile. C’est alors que la douce voix du Père est venu réconforter Jésus et les disciples. Tout cela devra encore demeurer secret jusqu’à la résurrection car c’est bien là que le Christ sera complètement transfiguré.

O toi qui doutes, reviens à cet instant d’éternité
où ciel et terre se sont rencontrés dans ton cœur,
où le voile s’est légèrement écarté
pour te faire entendre une autre voix.

Connexion