Homélie du 15 mai : 5ème dimanche de Pâques – Année C

« Je vous donne un commandement nouveau : comme je vous ai aimés, vous aussi aimez vous les uns les autres. »

Voici le signe distinctif, notre carte d’identité de chrétiens. A tel point que Jésus le précise lui même, c’est à partir de cette unique document valide sur notre attitude que nous pouvons être reconnus comme ses disciples vis à vis du monde. Pourtant à y regarder de plus près, ce commandement n’est pas si nouveau que ça. Nous retrouvons ce commandement dans l’Ancien Testament. Les Juifs qui entendent Jésus sont tout à fait au courant qu’il faut s’aimer les uns les autres. Ce qui est nouveau c’est ce petit ajout de Jésus : « comme je vous ai aimés » Que signifie pour nous : aimer comme Jésus nous a aimés ?

Tout d’abord, ce que l’on peut retenir de cet amour de Jésus, c’est que c’est un amour qui dépasse les affections naturelles . Quoi de plus naturel que de se retrouver avec ceux qui nous ressemblent, d’inviter des amis chez soi, de causer à la sortie de la messe avec ceux avec qui on a des affinités. Ces affinités sont bien sur bonnes quand elles nous font grandir en humanité. Jésus lui même avait des disciples chez qui il aimait se retrouver. Il aimait se reposer chez Marthe et Marie et leur frère Lazare. Il aimait être en compagnie de Jean, le disciple qu’il aimait. Et aussi être avec Marie Madeleine. Autant d’affections que Jésus lui même avait et qui vient nous conforter dans l’idée que c’est important pour chacun d’entre nous d’avoir ces affections naturelles. Mais il faut faire attention qu’elles ne deviennent pas exclusives car ce serait le signe que je recherche une affection pour moi même, pour me rassurer en quelque sorte, plutôt que d’être dans le don de moi même. Là encore si nous regardons Jésus son amour est universel, il est pour tous, aussi bien pour ses amis, pour ses disciples, même et surtout ceux qui l’ont abandonné, trahi, renié. Son amour est aussi pour ses ennemis, pour ceux qui l’ont mis à mort, crucifié. « Père pardonne leur » Et c’est à cet amour universel que nous sommes appelés, un amour qui dépasse les affections naturelles pour créer des ponts pour tendre la main vers celui qui n’est pas comme moi et vers les pauvres. Il est vrai que nous n’avons pas le monopole de cette présence auprès des plus pauvres, mais ce qui est sûr c’est que, là où il y a la pauvreté, quelque soit sa forme, on doit pouvoir y retrouver des chrétiens. C’est vrai auprès des plus pauvres c’est vrai aussi dans toutes les sortes de projets de la société où on cherche à créer des ponts entre générations, entre communautés, projets où on cherche à sortir des gens de leur solitude, à redonner de la dignité aux personnes. Beaucoup de vous ici présents nous aident à vivre cela au cœur de notre communauté franciscaine. Soyez en remerciés et que ces expériences nous fasse grandir dans le désir de dépasser nos affections naturelles !

Mais Jésus va encore plus loin dans son amour. Son amour ne connaît pas de limites. Or si nous regardons notre façon d’aimer les autres, nous posons des limites. Nous limitons l’amour que nous avons les uns pour les autres à la mesure de l’amour que nous recevons les uns des autres. Enfant, je me rappelle qu’en vacances avec mes cousins, je regardais s’ils recevaient des adultes la même quantité de services à faire! Il y avait des limites. C’est peut être vrai aussi dans les couples où souvent l’un ou l’autre peut avoir le sentiment de se donner auprès des enfants ou dans la vie de maison beaucoup plus que l’autre ! Nous faisons aussi cette expérience quand nous limitons notre amour pour celui qui nous a offensé. Or nous avons entendu dans l’Evangile que la scène se passe dès que Juda fut sorti du cénacle. Sachant qu’il allait le trahir, Jésus a donc quand même lavé les pieds de Juda et lui a donné la première eucharistie ! Il a tout donné à celui qui l’a trahi. Alors pour nous, aimer comme Jésus, c’est tendre à aimer sans mettre de limite à cet abaissement qui est parfois nécessaire pour se mettre au niveau de l’autre, comme Jésus s’est mis à genou devant les apôtres pour leur laver les pieds. Le Créateur lui qui est grand, lui qui est tout puissant, parfaitement saint, se met à genou devant sa créature. C’est le soleil qui s’abaisse devant une luciole ! Voilà ce que fait Dieu pour nous montrer combien il nous aime  et nous savons combien cet amour est allé plus loin: par amour pour le monde entier, sur la croix, Jésus est allé jusqu’à donner sa vie.

Mais je vous entends déjà me dire que nous ne pouvons que constater notre incapacité à aimer comme Jésus! Parce que nous sentons toute la force de l’orgueil qui refuse d’être le premier pour pardonner, toute la force de l’égoïsme qui refuse d’être le premier pour servir. Et bien Dieu ne nous demande, simplement, lorsque nous nous plaçons sous son regard, à le reconnaître : « je ne sais pas aimer, je suis incapable d’aimer comme toi ! Augmente ma foi, mon amour. » Nos capacités à aimer sont limitées. Nous avons sans cesse à renouveler notre carte d’identité de chrétiens., Cette capacité à aimer qui fait que nous sommes reconnus comme des disciples du Christ. Et où allons nous renouveler cet amour ? Ici à l’autel, dans la communion au Corps du Christ. C’est là que dimanche après dimanche, nous venons renouveler notre amour les uns pour les autres. Nous venons en quelque sorte remplir notre réservoir d’amour du Christ pour pouvoir à nouveau dans la semaine, mieux aimer..

Et cet amour donné et reçu pourra alors éclairer l’âme de nos familles, l’âme de nos communautés, la vie du monde et faire avec Dieu que toutes choses soient nouvelles.

Gérard Barthe



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