Homélie du 23 octobre, 30ème dimanche du Temps Ordinaire – Année C

La parabole du pharisien et du publicain

Voyant revenir la parabole du pharisien et du publicain, je me suis d’abord dit : « Encore ! » Et puis j’ai demandé à l’Esprit Saint de me révéler ce qu’il voulait me dire de neuf à travers ce passage tant de fois entendu. Toute la semaine, je me suis assis dans le Temple de Jérusalem, observant les allées et venues.

J’ai d’abord vu entrer un homme sûr de lui, la tête haute, la démarche assurée, le vêtement soigné. Il se dirigeait résolument vers le premier rang comme si c’était là sa place naturelle. Il semblait comme chez lui. D’ailleurs, personne ne lui contestait cette place. Ce pharisien était respecté, admiré même. Ne donnait-il pas généreusement à la quête ? On le voyait prier longuement, ostensiblement, et il pratiquait le jeûne deux fois par semaine. Bref, un croyant exemplaire, et qui le savait ! Il avait conscience de faire partie de l’élite religieuse de son peuple.

Notre homme priait à haute et intelligible voix pour que tout le monde l’entende bien : “Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes – ils sont voleurs, injustes, adultères –, ou encore comme ce publicain. Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne.”

Mais était-ce vraiment une prière ? J’avais plutôt l’impression qu’il prenait Dieu à témoin : Regarde comme je suis bien ! Tu peux être fier de moi ! D’ailleurs, le Dieu auquel il s’adressait existe-t-il vraiment ?

En regardant cet homme de plus près, je devinai comme une fissure sur cette belle façade. Cet homme fier et envié était enfermé dans une terrible solitude. Il était si parfait qu’il n’avait besoin de personne, pas même de Dieu. Il se suffisait à lui-même. Et s’il regardait les autres de haut, plein de suffisance, n’était-ce pas pour cacher son incapacité à entrer dans une relation vraie ?

À l’autre extrémité du Temple, tout au fond, se tenait un publicain, vous savez ces fonctionnaires chargés de collecter les taxes et les impôts au profit de l’occupant romain, et qui s’en mettaient plein les poches au passage. Il était entré, la démarche hésitante, rasant les murs, comme s’il avait conscience de ne pas être à sa place, à la hauteur de la sainteté du lieu. Le regard méprisant du pharisien qui l’avait toisé à son arrivée le lui avait bien fait sentir.

Il était là, assis sur son banc, la tête entre les mains. Il ne cherchait pas à se justifier, ni même à trouver des circonstances atténuantes. Il s’en remettait totalement à Dieu, à sa miséricorde. “Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis !” La traduction littérale est en fait : « Ö Dieu, expie mes péchés. » La conscience de son péché avait ouvert en lui une brèche, un espace ouvert à la tendresse et à la miséricorde de Dieu.

Et soudain, cet homme qui n’avait que sa misère à offrir, sentit une indicible présence. Au cœur de sa misère, au cœur de sa détresse, surgissait une présence, la certitude d’être aimé par-delà son péché. Dieu l’attendait là, au dernier rang, parce qu’il n’est pas venu pour les justes, ceux qui ne comptent que sur eux-mêmes, mais pour les pécheurs, les petits, les mal-aimés. Dieu a pris la dernière place pour que pas un seul de ces petits ne se sente abandonné, seul.

Continuant à observer ces deux hommes, il me semblait soudain les connaître, les reconnaître. Plus je les regardais, plus ils me ressemblaient. Comme si ces deux personnages de la parabole faisaient partie de moi, que j’étais un peu l’un et l’autre, appelé sans cesse à passer de l’enfermement que provoque une fausse assurance de soi à la libération de se savoir pécheur pardonné.

Tout à l’heure, les enfants vont apporter des bougies à l’autel, précédant le pain et le vin. Ces bougies ne sont pas là pour décorer l’autel. Les bougies, le pain et le vin, représentent chacune de nos vies, avec ce qu’elles ont de beau, de merveilleux, et tout le poids de la souffrance et du péché. Et le prêtre, au nom de Jésus, accueille chacun tel qu’il est, sans faire de différence. Nous n’avons pas à avoir peur de notre péché et de notre misère. Jésus prend tout, assume tout, et dans sa vie donnée, il est capable de transformer en puissance de vie ce qui semblait perdu, comme mort. Voilà ce qui se joue dans chaque Eucharistie. L’Eucharistie est toujours un mystère de transformation. Jésus nous fait passer avec lui de la mort à la vie, de la peur à la confiance, de la séparation à la communion.

Prier

« Ce que l’homme vaut devant Dieu, écrit François d’Assise, voilà ce qu’il vaut en vérité, ni plus ni moins. »

Donne-moi la grâce de me tenir devant toi, Seigneur, en vérité.

Qu’ai-je que je n’ai reçu ?

Pour tous les dons et les talents que tu m’as donnés, merci. Ils t’appartiennent.

Pour tout ce qui me replie sur moi-même et me sépare de mes frères et sœurs, pardon.

Donne-moi de goûter la joie d’être sauvé par toi, pécheur-pardonné.

Frère Nicolas Morin

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