Homélie du 26 décembre 2021 – FÊTE DE LA SAINTE FAMILLE – Année C

Pourquoi donc l’Eglise nous propose-t-elle ces textes en cette fête de la Sainte Famille ? Que nous disent-t-ils de la famille ? Et de la sainteté ?

Trois thèmes traversent les lectures de ce jour : la souffrance, la confiance, et les liens de filiation.

Le livre de Samuel nous conte l’histoire d’une femme en grande souffrance. Anne est mariée à Elqana, un homme de la montagne. Elqana l’aime tendrement, davantage même que sa deuxième épouse, Perina, qui lui a pourtant donné de nombreux enfants. Ne pouvant enfanter, une partie d’elle-même est comme morte. Tout l’amour de son mari ne peut la consoler.

Chaque année, la famille d’Elqana se rend au sanctuaire de Silo pour y prier. Tandis que Perina exhibe avec fierté sa progéniture, Anne s’abime dans la prière et la supplication : « Seigneur, regarde avec bonté la peine de ta servante, souviens-toi de moi, n’oublie pas ta servante. »

Et Dieu a entendu. Et Dieu a exaucé. Il a donné un fils à Anne et Elqana. Anne reçoit cet enfant comme un cadeau. Le nom de l’enfant dit toute sa foi : Samuel, Dieu exauce.

Elle aurait pu veiller jalousement sur cet enfant si longtemps attendu, en faire sa chose. Au contraire, l’enfant une fois sevré, âgé d’environ trois ans, elle l’emmène au sanctuaire de Silo pour le consacrer au Seigneur. Elle le confie au prêtre Eli.

Au cœur de sa souffrance, Anne n’a pas perdu confiance, faisant monter vers Dieu sa détresse. Et une fois comblée, elle rend toutes grâces au Seigneur, lui de qui vient toute vie. Elle accueille et rend grâce.

Marie traverse une souffrance différente, celle de tout un peuple. Avec son peuple, elle attend celui qui enfin lui redonnerait fierté et espérance.

C’est une souffrance qui ne la replie pas sur elle-même mais l’ouvre à l’inattendu de Dieu ; elle creuse en elle la confiance en Celui qui seul peut sauver son peuple. Marie aussi accueille la vie ; elle donne corps à la promesse et le nom de l’enfant est, lui aussi, tout un programme : Jésus, Dieu sauve.

Comme Anne, Marie va devoir apprendre que l’enfant qui lui est donné ne lui appartient pas. Et cela ne va pas se faire sans souffrance, sans déchirement. L’épisode de Jésus au temple que nous venons d’entendre en est un exemple.

Alors qu’ils s’en retournent d’un pèlerinage à Jérusalem, Joseph et Marie ne prennent pas garde que Jésus ne les a pas suivis. Rien d’étonnant à cela : les jeunes restent entre eux, la famille ne se limite pas au noyau parents/enfants. Toute la communauté villageoise prend soin des enfants.

Tous les parents connaissent la peur de perdre un enfant. Lorsque Joseph et Marie s’aperçoivent que Jésus n’est pas dans la caravane, morts d’angoisse, ils retournent en courant vers Jérusalem. Ce n’est que le troisième jour qu’ils le retrouvent. L’allusion au troisième jour préfigure-t-elle une perte plus radicale et douloureuse, ces trois jours qui séparent la mort de Jésus de sa résurrection ?

Quelle n’est pas leur surprise de trouver Jésus devisant tranquillement dans le Temple avec des docteurs de la loi ébahis de la maturité de l’enfant ? N’est-il pas conscient de l’angoisse qu’il a fait vivre à ses parents ?

Marie et Joseph ont dû méditer bien des fois par la suite les paroles de Jésus. Sans doute ne les comprendront-ils vraiment, totalement, qu’après la résurrection : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne savez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? »

Jésus ne nie pas les liens qui l’unissent à Marie et Joseph. Il repart d’ailleurs avec eux à Nazareth. Il nous dit que tous nos liens s’enracinent et sont le reflet d’une paternité qui nous précède. Tous nos liens s’enracinent dans la vie trinitaire.

C’est pourquoi il nous faut lire et relire ce merveilleux passage de saint Jean :

« Bien-aimés, voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes. Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous le savons, quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est. »

Quelle merveilleuse définition de la sainteté : désirer être semblable au Père, être reflet de son amour trinitaire. Cela transforme tous nos liens, comme le dit la suite de la lettre :

« Voici son commandement : mettre notre foi dans le nom de son Fils Jésus Christ, et nous aimer les uns les autres comme il nous l’a commandé. Celui qui garde ses commandements demeure en Dieu, et Dieu en lui ; et voilà comment nous reconnaissons qu’il demeure en nous, puisqu’il nous a donné part à son Esprit. »

Frère Nicolas Morin

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