Homélie du 27 novembre, 1er dimanche de l’Avent – Année C

Quatre semaines  pour nous préparer à Noël où le Dieu impensable se fait enfant ! Et pour rester dans le ton je voudrais retourner le petit terme de l’Evangile  « veillez »  dans tous les sens du mot. Car veiller c’est guetter l’apparition de l’étoile qui va nous conduire à Jésus. Mais veiller c’est aussi attendre et nous laisser surprendre par l’enfant qui va bouleverser toutes nos représentations de Dieu.

Mais nous avons aussi à veiller à ce monde aussi passionnant qu’inquiétant.  Et nous aurons à développer nos antennes pour détecter tout ce qu’il y a de  beau, de grand, de petit  dans ce monde, toutes les générosités gratuites qui sont nombreuses, mais dont  les sirènes de malheur en parlent  si peu.  La venue du Dieu impensable est si discrète, si délicate que nous risquons d’être pris par le fracas du monde et de ne pas être attentif à la venue de l’enfant.

Et paradoxalement veiller c’est aussi accepter de perdre du temps pour respirercomme si c’était la première ou la dernière fois. Perdre du temps pour vivre comme si je ne savais pas que ce c’est de vivre. Perdre du temps pour prier et découvrir comme cela fait du bien. Perdre du temps pour déceler qu’il m’est enfin rendu, vaste, riche, disponible, rempli de présence et de paix. Ah ! Si nous prenions de perdre du temps ! 

Dans notre civilisation d’extériorité, nous sommes tellement absorbés par nos occupations de production, de rendement, de consommation que nous oublions de goûter ce qui nous est offert gratuitement : la vie, la nature, l’air, le soleil, les étoiles, l’art, la poésie, les relations gratuites. Si nous prenions le temps de vivre et de goûter la vie !  

Oui, Dieu voudrait faire de nous des guetteurs dont le regard scrute  au loin, des hommes de vigie qui savent garder le cap vers l’autre rive, quelles que soient les péripéties de la navigation. Mais pour cela,  il faut préserver en soi, malgré les tempêtes qui secouent notre cœur, la capacité à être étonné, surpris, émerveillé, par tout ce que nous donne la vie.

Regardons les mystiques cespassionnés de la recherche de Dieu, les poètes qui trouvent les mots pour parler de Dieu  et les moines, ces défricheurs. Ils nous rappellent que cette veille n’est pas de tout repos.  Que la contemplation est un combat, que la vie intérieure est une insurrection, qu’il ne s’agit pas de fuir mais de s’enfuir et de veiller. L’éloignement du monde qu’ils prônent est éloignement de proximité. Car ces femmes, ces hommes de désir ont su tendre l’oreille, malgré tous les bruits du monde, pour écouter cette petite voix intérieure, tendre, fragile, imperceptible, mais ô combien réelle.

Un jour, ils se sont réveillés « comme d’un profond sommeil » dira Saint Basile. Ils se sont mis en route à la recherche du Bien-aimé  avec le désir impatient de l’atteindre et de l’éprouver. Ils attestent de cette stupéfaction de se sentir habités par Quelqu’un qui vient d’ailleurs et qui vous mène ailleurs. Cette stupéfaction vient souvent au creux d’une grande souffrance.  Le jésuite Surin (+1665)  qui a passé vingt ans dans un hôpital psychiatrique dira : « Quelqu’un hors de ma connaissance s’est rendu maître de mon cœur ». C’est consolant car cela veut dire que quels que  soient nos états d’âme nous pouvons être ces veilleurs à l’affut de  ces visites du Seigneur !

Etre des veilleurs et des éveilleurs. Voilà notre mission en ce temps de l’Avent où Noël se profile déjà à l’horizon. Pour cela, laissons-nous  interpeller par la venue surprenante de l’Enfant.

Marana tha ! Viens Seigneur Jésus ! Nous t’attendons.

Frère Max de Wasseige

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