Homélie du 3e Dimanche de l’Avent année B

« Que dis-tu de toi-même ? »

Pour nous préparer à Noël, nous avons de belles figures. Evidemment Marie et son Oui, mais aussi l’éternel discret, mais ô combien présent, Joseph, et aussi cet être étonnant Jean le Baptiste. Tellement étonnant que les religieux de son temps, intrigués par ce nouvel oiseau, vont lui poser la question « Que dis-tu de toi-même ? Ils sont perplexes : Cet homme qui avait une parole forte, une vie libre et une ascèse impressionnante est-il de bon ou mauvaise augure ?

Et par cinq fois les émissaires vont poser la question : « Mais qui es-tu ? Es-tu le Messie ? Es-tu Elie emporté jadis sur un char de feu ? Es-tu le grand prophète ? Â» Et chaque fois l’homme répondra : « Non ce n’est pas moi. Â» Rien à faire. Jamais l’hirsute du désert ne parle de lui-même, toujours il parle d’un autre. La seule chose que Jean peut dire de lui-même c’est : Â« Je ne suis pas digne de délier la courroie de sa sandale. Â» Je ne peux que préparer sa venue.

Les hommes habités, que j’ai eu la chance de rencontrer, n’étaient pas des hommes de certitude, des dogmes ambulants, des guides infaillibles. Ils ne faisaient pas partie de ces hommes qui ont réponse à tout. Au contraire ils ne faisaient pas de grands discours, ne cherchaient pas à argumenter ni à prouver mais c’est toute leur vie qui posait question. Comme Jean Baptiste ils étaient une voix, parfois forte, qui à chaque fois ramenait à la seule certitude : « Il y a quelqu’un au milieu de vous que vous ne connaissez pas. Â»
Mais, cette certitude n’en demeure pas moins question : « Qui est cet homme ? Â» Toute notre vie nous devrons nous la poser et nous n’aurons jamais fini de comprendre et de l’interroger. Car la foi n’est pas un paquet de certitudes reçu une fois pour toute, elle nous met en chemin comme les disciples d’Emmaüs. On ne chemine bien qu’avec une question chevillée au cÅ“ur. L’Evangile est un tel trésor que, sans cesse, nous découvrons de nouvelles facettes de cet Homme qui était tellement humain qu’il y avait plus que de l’humain.

Quoique cousin de Jésus, Jean Baptiste ne connaissait pas son identité profonde .C’est seulement lorsque Jésus s’est présenté à lui pour lui demander le baptême qu’il a eu la certitude qu’il était le Messie. Il dira Â« Et moi ,je ne le connaissait pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’ a dit : Â» (Jn I 33)

Mais la foi restera toujours demi-lumière, demi-obscurité. Clair- obscur, à la fois, jour et nuit, certitude et doute, peur et confiance. Il restera toujours l’inconnu et la recherche. Plus tard dans sa prison quand on est venu chercher Jean Baptiste pour lui couper la tête, celui-ci n’est –il pas resté avec sa question : Pourquoi ? Pourquoi tant de violence ? Alors que je voulais annoncer la venue de Celui qui est doux et humble de CÅ“ur ? Pourquoi Dieu se tait-il au moment où l’on veut fait taire la voix du prophète ? Quelques mois plus tard il y aura un autre cri : « Pourquoi m’as-tu abandonné ? Â»

Il restera toujours la grande question : Pourquoi ce silence de Dieu devant l’innocence souffrante ? Job se posait déjà la même question. Elle est éternelle ! C’est pour cela que le message chrétien doit se manier avec délicatesse, afin que nos interlocuteurs ressentent notre difficulté amoureuse et notre inquiétude passionnée d’être à Dieu , malgré nos Â«  pourquoi ? Â» Peut–être mourons- nous avec nos questions, mais elle font partie de la grandeur de notre humanité.

Cependant, travers tous ces questionnements il est bon d’entendre la parole de Saint Paul aux Thessaloniciens : « Soyez toujours dans la joie, priez sans relâche , rendez grâce en toute circonstance Â» La situation mondiale n’était pas plus glorieuse au temps de Paul . Mais quand il parle de joie , il ne s’agit pas d’une gaieté inconsciente, mais d’un joie profonde reçue de l’Esprit Saint. Et prier ce n’est pas se débarrasser sur Dieu des tâches qui nous reviennent , mais c’est demander à l’Esprit les ressources nécessaires pour accomplir notre mission ici bas. Et j’aimerais terminer par « Lettres à un jeune poète Â» de Rilke :
« Ne vivez pour l’instant que vos questions. Peut-être, simplement en les vivant,
finirez-vous par entrer insensiblement, un jour , dans les réponses. Â»

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