Je crois en la résurrection
Nous nous surprenons, parfois, de douter de la résurrection. Est-ce bien vrai tout ce qu’ont raconté Luc, Matthieu, Marc, Jean et même Paul ? Est-ce bien vrai tout ce que m’a raconté au catéchisme le curé ? « Si c’était vrai ? » chantait Brel ! Parfois même nous tombons dans une sorte de culpabilisation en nous demandant si nous sommes encore chrétiens car la résurrection est centrale à la foi.
L’écrivain espagnol Jose Bergamin nous dira « qu’il n’y a pas de foi sans doute et pas de doute sans ferveur. Car le doute et la foi sont le rythme vivant de la pensée. » La foi n’est pas une certitude scientifique. C’est une vie avec ses ombres et ses lumières, ses hauts et ses bas, ses instants de ferveur et ses lassitudes. Et parfois, paradoxalement, on découvre que lorsque l’on doute on devient plus croyant , car on se met à chercher à crier , à pleurer. Et nous remarquons que le doute brise les certitudes et laisse place à la foi humble, confiante et désarmée. Car la foi est toujours une tension entre le doute à traverser et la certitude à dépasser.
La foi en la résurrection n’est pas non plus une certitude scientifique. Il n’y a jamais eu de compte rendu journalistique. Personne n’était là pour surprendre Jésus en train de ressusciter On ne peut dire : « il est ressuscité à telle heure. » C’est un savoir nocturne. C’est le secret de Dieu. Plus nous croyons avoir trouvé Dieu, plus il s’échappe à notre emprise : « La venue du Royaume de Dieu ne se laisse pas observer ,et l’on ne peut pas dire : il est ici ou bien il est là ! » (Luc 17,20)
Il est consolant de voir que même les disciples qui ont vécu avec lui, qui ont été prévenus qu’Il ressusciterait le troisième jour restent enfermés dans leur désillusion et le désespoir. Quand Jésus marche avec les disciples d’Emmaüs, ceux-ci lui diront : « Nous espérions qu’il allait délivrer Israël » (Luc 24, 21) Et même quand Jésus leur ouvre à l’intelligence des Ecritures ils ne le reconnaissent pas encore. C’est seulement à sa manière inoubliable de bénir et de rompre le pain qu’ils vont le reconnaître. Et de nouveau le Ressuscité disparaît . Sauf dans leur cœur qui reste brûlant. Car c’est dans le cœur touché en profondeur que le Vivant reste le plus brûlant. Même Marie de Magdala qui avait approché de si près le cœur miséricordieux de Jésus ne le reconnaît pas et le prend pour le jardinier. Car elle cherchait Dieu dans le pays de la mort mais Dieu a élu domicile dans le cœur qui aime. C’est là qu’on peut le retenir.
Jésus ne s’est montré ressuscité devant ses amis que dans l’humilité, sans Alléluia triomphal, sans bruit, sans lumière éclatante. Car après la Résurrection c’est bien souvent dans le silence et l’humilité de son humanité blessée qu’il va apparaître. Pourtant même les disciples en le voyant « sont saisis de frayeur et de crainte » Regardons comment Jésus va les accompagner doucement vers la lumière en prenant en considération progressivement et avec bienveillance leurs troubles, leurs peurs, leurs doutes, leurs objections et leurs questions. D’abord il leur dit un petit mot : « schalôm » « paix » Car un cœur troublé, reste enfermé et ne peut s’ouvrir à l’inouï, à la radicale nouveauté.
S’il est peut-être tentant de faire de la Résurrection un symbole, le récit de Luc semble faire barrage à cette tentation. Les disciples pensaient voir un esprit mais un esprit n’a ni chair ni os. Un esprit n’ a pas faim : « Avez-vous quelque chose à manger ? »leur demande Jésus. Et comme le Ressuscité fait corps avec la croix. « Il leur montre ses mains et ses pieds » Le Ressuscité laisse le crucifié intact. Le corps transfiguré gardera les signes du plus grand amour. Et c’est par ses blessures qu’aujourd’hui encore son amour continue à se déverser.
« Dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire » nous dit Luc. Ils ne croyaient encore pas, et ce n’est pas moi qui leur jetterais la pierre. Pourtant sans parvenir à croire, ils sont dans la joie. L’incroyable ne les prive pas du bonheur de revoir Celui qui manquait tant ! Cependant il faudra que Jésus « leur ouvre l’intelligence » pour qu’enfin les disciples croient ce qu’ils voient. Mais ils croiront non par l’intelligence cérébrale mais par l’intelligence du cœur.
Pourquoi a-t-il voulu m’aimer d’un impossible amour à s’en déchirer le cœur ?