Homélie du dimanche 06 octobre 2024, 27ème dimanche du temps ordinaire – Année  B, du frère Nicolas Morin

LE COUPLE, BONNE NOUVELLE POUR LA SOCIÉTÉ

Il y a certaines paroles de Jésus que l’on voudrait bien ne pas entendre, avec ce qu’elles représentent d’exigence et de dépassement. Elles sont dures à entendre, et encore plus à mettre en pratique.

« Celui qui renvoie sa femme pour en épouser une autre est coupable d’adultère envers elle.

Si une femme a renvoyé son mari et en épouse un autre, elle est coupable d’adultère. »

(Notez au passage que si les pharisiens parlent uniquement du point de vue des hommes, la femme étant tenue au rang d’objet. Jésus, lui, met à égalité homme et femme).

Nous savons bien, chacun, combien la fidélité à notre vocation, dans le mariage comme dans la vie religieuse, est un combat. Nous expérimentons douloureusement que, par nous-mêmes, nous en sommes incapables. Et il est des situations où la vie commune, malgré tous les efforts entrepris, ne paraît plus possible.

Alors ? Jésus mettrait-il la barre trop haut, en exigeant de nous des choses impossibles ?

Je vous invite à relire à la suite les chapitres 8 à 10 de l’Évangile selon saint Marc, que nous méditons depuis plusieurs dimanches. Jésus est sur la route de Jérusalem. Il sait ce qui l’attend et il choisit, librement, de livrer sa vie, d’aller au bout de la logique de l’amour. Sur la route, il forme peu à peu ses disciples. On est loin d’une formation intellectuelle. Se former, pour Jésus, c’est simplement mettre ses pas dans les siens, entrer dans sa logique d’amour. « Celui qui veut venir à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suivre. » Ce que Jésus apprend à ses disciples sur la route, c’est qu’aimer, c’est beaucoup plus qu’une manifestation de tendresse ou d’affection pour quelqu’un. Aimer est un choix coûteux, parfois crucifiant, qui consiste à vouloir le bonheur de l’autre avant son propre bonheur. Voilà une logique qui nous fait violence, nous qui sommes toujours à la recherche d’un mieux être, d’un épanouissement personnel. Le mot d’ordre de notre société est de se faire du bien.

Oui les paroles de Jésus nous bousculent. Et si elles ne nous bousculent pas, c’est que, peut-être, nous ne les recevons pas dans leur radicalité.

Les paroles de Jésus nous bousculent, mais elles ne viennent jamais juger, encore moins condamner les personnes. Si Jésus est exigeant, c’est qu’il croit en nous, en notre capacité à nous dépasser. Si Jésus est exigeant, c’est qu’il nous regarde avec les yeux de Dieu son Père.

Jésus vient nous dévoiler le projet d’amour de Dieu pour chacun de nous et pour toute l’humanité. Un projet qui éclate dès les premières pages de la Genèse, ce livre des commencements, ou plutôt des fondements. Vous le savez bien, le récit de la création n’est ni un reportage journalistique, ni un rapport scientifique sur l’origine du monde et de l’humanité. D’ailleurs, si vous allez y voir de plus près, vous verrez qu’il y a en fait deux récits de la création. Sous forme imagée, ils viennent répondre aux grandes questions des hommes : Pourquoi la mort ? Pourquoi la souffrance ? Et pourquoi les difficultés des couples ?…

Ces récits sont extrêmement riches. Voyons simplement en quoi ils sont une bonne nouvelle pour les couples et les familles d’aujourd’hui.

Première bonne nouvelle : la sexualité est une chose bonne et belle puisqu’elle fait partie du projet de Dieu. Elle est une donnée très importante du bonheur de l’homme et de la femme : « L’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un. »

Deuxième bonne nouvelle : Dieu crée l’homme et la femme différents, et c’est cette différence qui construit leur relation et lui donne de la saveur. Ainsi, l’idéal proposé au couple humain n’est pas la domination de l’un sur l’autre mais l’égalité dans le dialogue, ce qui suppose à la fois distance et intimité. Et pour exprimer cela, l’hébreu utilise un jeu de mot : en hébreu, homme se dit « ish » et femme se dit « ishsha », deux mots très proches, de la même famille et pourtant pas identiques. Ish et ishsha marquent à la fois la communauté et la différence. C’est cette différence qui est le moteur du désir entre l’homme et la femme, dans une recherche jamais assouvie d’unité et de communion. Oui, la différence est bonne. Elle est même la condition d’une rencontre heureuse.

Troisième bonne nouvelle : Dieu n’a pas trouvé plus belle image pour révéler son identité profonde que la relation amoureuse entre un homme et une femme. Écoutez ce que dit le texte de la Genèse : « Dieu créa l’humain (Adam) à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa. » Vous avez remarqué le passage du singulier au pluriel ? Homme et femme il les créa. L’homme et la femme sont images de Dieu en tant qu’ils sont sexués, mâle et femelle. « Et Dieu vit que cela était bon. Cela était même très bon. »

Oui, le couple est vraiment une bonne nouvelle pour toute la société. Il nous dit quelque chose de l’Alliance de Dieu avec chacun de nous. Une Alliance indéfectible. Dieu ne peut pas, ne veut pas reprendre sa parole. La fidélité de Dieu est pour toujours. Et parce que Dieu croit en nous, parce qu’il veut nous faire partager son mystère d’amour, il nous propose d’entrer à notre tour dans cette fidélité.

Être fidèle est moins un commandement, une injonction, qu’une grâce. Nous pouvons puiser chaque jour dans la fidélité de Dieu le courage d’être fidèle à notre tour, demandant la force de l’Esprit Saint.

Frère Nicolas Morin

Connexion