Homélie du dimanche 29 septembre 2024, 26ème dimanche du temps ordinaire – Année  B, de Gérard Barthe, diacre

Etonnante cette réaction de l’apôtre Jean, fils de Zébédée, un des douze : « Maitre, nous avons vu quelqu’un chasser les démons en ton nom, il n’est pas de notre groupe; nous avons voulu l’en empêcher ». Ce à quoi Jésus répond: « Ne l’empêchez pas » ! Et la 1ère lecture de ce dimanche nous montre comment Josué, le bras droit de Moïse, a la même tentation. Il ne voulait pas admettre que l’Esprit du Seigneur puisse être donné aux deux anciens qui n’avaient pas rejoints « la tente du Rassemblement », et étaient resté dans le camp. « Maître arrête les de prophétiser » s’écrit Josué . Mais Moise va lui dire au contraire : « Ah si le Seigneur pouvait  mettre son Esprit sur tout son Peuple ! ». L’attitude de Jean et de Josué est sectaire. Tandis que Moïse et Jésus nous appellent à nous ouvrir à la liberté créatrice de l’Esprit qui souffle où il veut. Y compris sur des hommes qui peuvent agir pour Jésus sans s’inscrire à l’intérieur des frontières visibles de son Eglise. Ce qui fait dire à Jésus  : « Celui qui n’est pas contre nous est pour nous ».

Cette remarque de Jésus me semble capitale pour nous aider, nous chrétiens, à nous situer dans le monde, face aux incroyants et à ceux et celles qui sont différents de nous. Deux attitudes en effet existent : la première c’est d’imaginer que les incroyants sont voués à la perdition, en se fondant sur la fameuse phrase de St Augustin si mal comprise : « Hors de l’Église, point de salut ». La seconde attitude, c’est l’inverse : devant la qualité et parfois la sainteté de vie de bien des incroyants, nous pouvons nous demander à quoi cela sert d’être croyant, si d’autres font aussi bien et mieux que nous ? L’ouverture d’esprit et de cœur qui nous est demandé doit nous pousser au dialogue pour comprendre, être émerveillés, être enrichis. « Ta différence m’augmente » dit un proverbe africain. Celui qui n’est pas contre nous est pour nous Jésus explique en quelque sorte à ses disciples qu’il existe fondamentalement en tout homme un élan vrai le conduisant naturellement vers les valeurs de l’Evangile et du Royaume de Dieu, même si, malheureusement, il n’a pas eu la chance de connaître le Christ. Ainsi l’homme, créé à l’image et ressemblance de Dieu, l’homme qui a reçu le souffle divin en lui, est en quelque sorte « équipé » pour orienter sa vie et ses actes vers le Royaume de Dieu, du moins tant qu’il ne détourne pas sa volonté vers le mal. Car il existe aussi, hélas, en l’homme, une force adverse, un esprit mauvais qui le tente et le conduit souvent à refuser le bien, à détourner sa vie de Dieu qui pourtant l’attend et espère en lui, parce qu’il l’aime toujours. Grand alors est le risque non seulement de tomber mais de faire tomber les plus fragiles de nos communautés, ceux dont la foi naissante est fragile, et les enfants, qui offrent naturellement leur confiance à leurs entourages. Notre vie peut devenir ainsi cause de scandale pour ces petits. D’où cet appel de Jésus à une conversion radicale. « Si ta main hésite entre la convoitise et le don, il faudra bien la trancher car la convoitise peut aller jusqu’à maltraiter quelqu’un ». Oui, parfois il faut accepter de perdre pour vivre et faire vivre.  

« Qui n’est pas contre nous est pour nous ». Quand donc l’homme non chrétien prouve par sa vie et ses actes qu’il n’est pas contre l’Evangile et le Royaume, contre le Christ qu’il ne connaît peut- être pas encore mais qui le dynamise secrètement par son Esprit, alors l’homme vit et agit pour le Royaume, pour et avec le Christ mais sans le savoir encore. C’est ce que la Tradition appelle « les hommes de bonne volonté » sur lesquels repose la paix de Dieu . A l’inverse, nous chrétiens n’avons pas le monopole du bien, de la justice, de la solidarité. Mais par contre c’est là qu’intervient notre rôle de Baptisés qui rend notre Église visible : c’est poussé par l’Esprit de Dieu que l’on peut témoigner joyeusement de ce vrai Dieu qui ne s’intéresse pas qu’à ses fidèles ; et c’est dire aux non-croyants qui nous entourent : « Vous aussi, Dieu vous connaît, Dieu vous aime et chaque fois que vous vous laissez animer par l’amour désintéressé des autres, ne serait ce que donner un verre d’eau à qui a soif, vous êtes tout proches de Dieu. Là où il y a de l’amour, Dieu est là. Et cela est possible car Dieu est large d’Esprit, il est même l’Être le plus large d’Esprit qui soit car il veut que tous les hommes soient sauvés  « Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes »  dit Jésus. C’est là la réalité de son infinie miséricorde qui ne s’épuisera jamais quels que puissent être le nombre et la gravité de nos péchés. Mais attention : il ne s’agit pas de faire des hommes de bonne volonté des croyants qui s’ignorent ; cela est tout autre chose car la foi est un acte conscient et libre d’adhésion à Jésus Christ et ce ne serait ne pas les respecter que d’imaginer qu’ils puissent croire malgré eux ! Mais c’est ainsi en revanche que « des publicains et des prostituées pourraient bien arriver avant nous dans le Royaume des cieux » (Mt 21,31) s’ils font la rencontre de Jésus.

Aujourd’hui c’est la journée mondiale du Migrant et du Réfugié avec comme thème : Dieu marche avec son peuple. Il est possible de voir dans les migrants de notre époque, comme dans ceux de tous les temps, une image vivante du peuple de Dieu en marche vers la patrie éternelle. Mais Dieu ne marche pas seulement avec son peuple, il est aussi dans son peuple s’identifiant aux plus petits des siens, en particulier à l’étranger, au migrant, au déplacé. C’est pourquoi la rencontre que l’on peut faire avec le migrant est aussi une rencontre avec le Christ. C’est lui qui frappe à notre porte, comme étranger, affamé, assoiffé, malade, nu : alors lui ouvrirons-nous notre porte ? Notre cœur ? Sans sectarisme ?

Gérard Barthe, diacre

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