« COMMENCEMENT DE LA BONNE NOUVELLE DE JESUS, CHRIST, FILS DE DIEU »
Le paysage des lectures de ce jour, c’est le désert.
Le désert est le lieu de la faim et de la soif, lieu de la solitude et de l’absence de Dieu, lieu de la désespérance…
Le désert, pour le peuple hébreu auquel s’adresse le prophète Isaïe, c’est l’expérience douloureuse de la déportation, de l’Exil, expérience qui semble ne jamais finir. Alors le peuple doute : Dieu aurait-il oublié ses promesses ? Dieu les aurait-il abandonnés ?
Cette détresse prend malheureusement un visage très concret pour nous, les visages de ces hommes, femmes et enfants emportés par la violence en Israël/Palestine, ces millions de réfugiés victimes des conflits, des pouvoirs corrompus, des inégalités mais aussi des catastrophes climatiques.
Le désert, pour les contemporains de Jean-Baptiste, c’est l’occupation romaine, avec son lot d’humiliations et d’injustices.
Les faux prophètes ne manquent certes pas, mais ils ne vendent que du vent, ils ne représentent qu’eux-mêmes.
Et pour nous, que représente le désert ? Quel est notre désert, ce lieu de la faim et de la soif, de la solitude, du manque d’espérance… ?
Je pense à tous ceux qui ne savent plus à qui donner leur confiance, qui se sentent trahis par ceux-là mêmes qui sont censés servir le bien commun. Et cette perte de confiance ouvre la porte à tous les faux prophètes, de ceux qui s’autoproclament homme – ou femme – providentiel, sauveur de l’humanité perdue.
Comment faire le tri entre vrai et faux prophète ? Regardez l’exemple de Jean-Baptiste : le vrai prophète s’efface devant celui qu’il annonce. Il ne cherche pas à s’imposer mais il laisse la place à celui qui est plus grand que lui. « Il faut qu’il croisse et que moi, je diminue », dit Jean-Baptiste. Et il ajoute : « Je ne suis pas digne de dénouer les lanières de ses sandales. »
Mais le désert n’est pas seulement extérieur à nous ; il peut aussi se trouver à l’intérieur de nous-même. Ne connaissons-nous pas chacun des périodes de doute, de sécheresse, voire de désespérance ?
Et voilà qu’au milieu du désert, une voix surgit, improbable, inattendue, apportant une nouveauté radicale. « Consolez, consolez mon peuple », dit cette voix. Il vient celui que vous attendez, c’est le moment, plus de temps à perdre, préparez-lui la route, ouvrez-lui le chemin.
Cette bonne nouvelle est tout entière résumée dans la première phrase de l’Évangile de Marc : « Commencement de l’Évangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu. » L’Évangile, cette bonne nouvelle, dans sa radicale nouveauté, a un nom et un visage : Jésus. Il est le Messie, celui que l’on attend depuis si longtemps. Il vient accomplir la promesse. Avec lui, tout commence.
Dieu n’est pas extérieur à notre vie, témoin impassible de notre souffrance. Il vient marcher sur nos chemins, et nos souffrances deviennent les siennes. Ne commence-t-il pas sa vie publique par quarante jours dans le désert ?
Un ami dominicain employait un jour cette image bien peu poétique mais si juste, pour parler du salut en Christ : « Notre monde est comme une immense bouse de vache ; et Dieu a choisi de naître là, en plein milieu ! »
Dieu rejoint notre monde tel qu’il est. Jésus vient habiter ma vie telle qu’elle est. Voilà la nouvelle incroyable, inouïe, de ce temps de l’Avent : je suis le chemin que Dieu vient emprunter.
Alors, ne perdons pas de temps. Nous n’avons pas trop de ces jours qui nous sont offerts d’ici Noël pour l’accueillir, faire de notre vie une crèche où il vient naître, supprimer tout obstacle à sa venue en nous.
Quels sont donc ces obstacles ? J’en relèverai trois :
– Premier obstacle : notre difficulté à croire. Au fond de nous, quelque chose résiste : ce n’est pas pour moi, je ne suis pas digne. Mais c’est justement pour cela, parce que je ne suis pas digne, que Jésus vient me rejoindre. C’est lui qui vient illuminer notre vie, lui donner sa dignité.
– Deuxième obstacle : notre manque d’espérance. Nous nous laissons noyer par les difficultés du moment, et nous n’espérons plus vraiment en la promesse toujours nouvelle de Dieu, à l’inattendu de Dieu. Nous n’attendons plus rien de lui.
– Troisième obstacle : notre manque de charité, d’ouverture aux autres. Or, Dieu prend le visage de mon frère, de ma sœur, du plus petit, du plus souffrant. Comment le reconnaître si je suis aveuglé ?
Seigneur Jésus, tu mets en nos cœurs une formidable espérance. Tu réveilles en nous le goût, l’espérance, d’une vie nouvelle, une vie tout entière habitée par toi, une vie dans l’Esprit. Que nul obstacle ne vienne entraver ton Évangile, ta Bonne nouvelle.
Frère Nicolas Morin