Homélie du dimanche 10 mars 2024 du frère Nicolas Morin

4ème dimanche de Carême  — Année B

DIEU EST RICHE EN MISERICORDE

Le peuple d’Israël traverse une situation traumatisante : Jérusalem est envahie par ses voisins, les Babyloniens, le Temple est détruit, le roi massacré et une partie du peuple est déportée à Babylone.

C’est tout son monde qui s’écroule. Tous ses points d’appui disparaissent : le roi, le Temple et la terre ; tout ce qui fait son identité.

Israël traverse une crise profonde, brutale. Le terme « crise » se dit « machber » en hébreu. Partout où ce mot apparaît dans la Bible, il désigne l’endroit où l’on accouche. La crise, c’est le lieu où, comme dans une salle d’accouchement, se côtoient la terreur, l’espoir et la possibilité du renouveau.

L’évènement qui aurait pu anéantir le peuple, le rayer de la carte, va être le déclencheur d’une naissance nouvelle. La lecture du livre des Chroniques entendue ce dimanche décrit bien les étapes de cette renaissance :

1- « Le Dieu de leurs pères, sans attendre et sans se lasser, leur envoyait des messages car il avait pitié de sa demeure et de son peuple. »

L’Exil est pour le peuple l’occasion de se poser pour relire son histoire en vérité sous le regard de Dieu et comprendre comment ils en sont arrivés là. Ce qui leur saute aux yeux, c’est l’incroyable fidélité de Dieu qui, « sans attendre et sans se lasser », revient sans cesse vers eux. Dieu ne se lasse pas. Dieu ne nous abandonne pas.

2- « Mais eux tournaient en dérisions les envoyés de Dieu, méprisaient ses paroles, et se moquaient des prophètes. »

A la fidélité de Dieu répond l’endurcissement du cœur : nous n’avons pas écouté les prophètes, nous sommes restés murés dans nos certitudes, notre désir de nous en sortir seuls.

3- Le peuple accueille la destruction de Jérusalem comme une invitation à la conversion. Ses yeux s’ouvrent sur l’ampleur de son infidélité et le voilà qui implore la miséricorde du Seigneur : « Nous avons péché contre toi. » Le peuple renonce à s’en tirer par lui-même, à faire son propre salut ; il ouvre ses mains souillées par le péché, ses mains de pauvre, et attend le salut du Seigneur.

4- « Et tu m’as répondu. »

Le salut arrive là où personne ne l’attendait. Dieu répond toujours, mais à sa manière, déroutante, déconcertante. C’est le roi perse, Cyrus, qui, sitôt au pouvoir, non seulement libère les hébreux déportés mais s’engage à reconstruire le Temple. Cyrus, un roi païen, maître d’un royaume rival !

« Ainsi parle Cyrus, roi de Perse : le Seigneur, le roi du ciel, m’a donné tous les royaumes de la terre ; il m’a chargé de lui bâtir un Temple à Jérusalem en Judée… » Cyrus, dont le pouvoir est immense, se reconnaît pourtant le lieu-tenant du roi du ciel, un instrument à son service.

Ce passage biblique ne nous est pas donné par hasard, en cette période troublée, à nous qui sommes comme tétanisés par la crise multiforme que nous traversons. Les étapes de renaissance initiées par le peuple d’Israël ne sont-elles pas toujours actuelles, nous invitant à ouvrir les yeux sur les causes profondes qui ont mené à la ruine notre Maison commune ? Et ne rêve-t-on pas que nos dirigeants aient eux aussi conscience d’être des lieu-tenant d’une puissance qui les dépasse et dont ils sont les instruments ? J’ai peur de décisions qui témoignent d’une fuite en avant en proposant des remèdes à la crise qui sont ceux-là même qui l’ont provoquée. Nous sommes toujours dans une posture toute puissante, comme si nous pouvions tout résoudre par la magie de nos découvertes scientifiques et technologiques.

Or, la crise est d’abord spirituelle. Ayant mis Dieu au placard, nous nous retrouvons dans une effrayante solitude, sommés de nous construire par nous-mêmes, seuls arbitres du bien et du mal.

Oui, j’ai peur face à notre capacité à nous autodétruire. Et pourtant, la parole de Paul vient traverser cette peur : « Dieu est riche en miséricorde : à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions des morts par suite de nos fautes, il nous a fait revivre avec le Christ : c’est bien par grâce que vous êtes sauvés. »

La parole de Jésus lui fait écho : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas mais il obtiendra la vie éternelle. »

Ainsi donc, au cœur de la crise que nous traversons résonne le message de la croix. Parce qu’il est fidèle, parce qu’il est amour et miséricorde, Dieu ouvre une brèche là où tout semblait mort. Il ouvre un passage… à sa manière, là où on l’attend le moins.

Frère Nicolas Morin

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