« VA, DONNE TOUT AUX PAUVRES, PUIS VIENS, SUIS-MOI »
Seigneur Jésus, je fais mémoire ce matin de cette première fois où je t’entendis : « Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres. Puis viens, suis-moi. » J’avais quinze ans. Ton regard de tendresse posé sur moi me bouleversait et, comme ce jeune homme, je me demandai si je serai capable un jour de tout quitter pour te suivre.
Entrant en Fraternité quelques années plus tard, je ne me doutais pas que le chemin ne faisait que commencer, que j’avais fait le plus facile. Bien sûr, j’étais prêt à faire bien des choses pour toi. Avec une infinie patience, tu m’as appris peu à peu qu’il s’agit moins de « faire » que de se « laisser faire ». Lent chemin de décentrement, de sortie de soi, pour simplement ouvrir mes mains de pauvre pour t’accueillir toi et me laisser conduire.
Quarante ans se sont écoulés depuis le premier appel, et voilà qu’il surgit de nouveau. Mais on n’a pas la même folie évangélique à cinquante ans qu’à quinze ! Les jeunes sont beaucoup plus généreux que les vieux ! Peut-être ont-ils moins à perdre ? C’est toute une vie qu’il me faut quitter désormais, tant d’habitudes et de sécurités.
Cet appel s’adresse bien sûr à chacun et chacune d’entre nous mais aussi au corps que nous formons, l’Église. Il y a tant de choses que nous ne voudrions pas entendre, cherchant à préserver coûte que coûte l’image d’une Église « sainte ». Et voilà que tu nous invites à quitter nos illusions pour ouvrir les yeux sur notre histoire blessée, à oser la vérité afin de retrouver le goût de l’Évangile. Comme est douloureuse cette prise de conscience que nos comportements sont d’abord un scandale pour les petits et les pauvres, parce qu’ils brisent leur confiance et les ferment à l’Évangile.
Il est facile et confortable de critiquer l’attitude des évêques ou du pape. N’est-ce pas là encore du cléricalisme, une manière de se désolidariser du corps qu’est l’Église, comme si nous, nous étions des « purs » face aux « autres » ?
Seigneur Jésus, le plus incroyable, c’est que tu ne renonces pas. Tu ne nous lâches pas. Sans te lasser tu renouvelles ton appel à nous laisser façonner par toi, à nous remettre en chemin. Comment peux-tu mettre une telle foi en nous ?
Seigneur Jésus, ce matin, je veux te demander la fougue de la jeunesse mais aussi la sagesse de celui qui sait qu’il ne peut compter sur ses propres forces et que tu es la seule vraie richesse.