Homélie du dimanche 11 février 2024 du frère Nicolas Morin

6ème dimanche du Temps Ordinaire  — Année B

« Si tu le veux, tu peux me purifier » Marc 1, 40-45

« Et un lépreux vient auprès de lui en le suppliant, à genoux, lui disant : « Si tu le veux, tu peux me purifier. »

Le lépreux fait peur. Sa maladie le ronge de l’intérieur et le défigure, le déshumanise. La lèpre est contagieuse et il faut s’en protéger, puisqu’on ne peut la soigner. Plus qu’une maladie, elle est associée au péché, c’est pourquoi elle rend la personne impure et la coupe de la communauté des croyants. D’ailleurs, au Moyen-Âge, on célébrait symboliquement les obsèques des lépreux qui étaient ensuite isolés hors les murs de la ville, en un endroit désert.

Qui sont les lépreux aujourd’hui dans notre société ? Y a-t-il une ou des personnes que je ne peux pas sentir, qui me fait peur, que je maintiens le plus loin possible de moi ? Mais peut-être aussi suis-je le lépreux de quelqu’un, me sentant mis à part, rejeté, mal-aimé ?

Vous mesurez le courage de ce lépreux bravant les interdits pour se jeter aux pieds de Jésus. Il a besoin de se faire proche de Jésus, de se laisser toucher par lui afin de recevoir de lui la vie. C’est en même temps un acte de foi en Jésus, car seul Dieu peut purifier, guérir, pardonner les péchés.

« Si tu le veux, tu peux… » Il y a beaucoup d’humilité dans cette demande. Cet homme se prosterne, en un geste d’adoration, et s’en remet totalement à lui, s’abandonnant dans la confiance, sans rien exiger de lui.

Son attitude provoque en Jésus un élan très profond : « Saisi aux entrailles. » C’est l’expression biblique qui exprime la sollicitude maternelle de Dieu face à la misère de son peuple infidèle. Jésus se laisse toucher, bouleverser par la misère du lépreux et son abandon total.

Il pose alors un geste inimaginable : « Il le toucha. » Celui qui touche une personne impure devient lui-même impur. Si Jésus prend sur lui sa lèpre, c’est pour la guérir. Son geste est puissance de vie : « Je le veux, sois purifié. » Tout est dit là du désir profond de notre Dieu : « Je suis venu pour que vous ayez la vie en abondance » (Jean 10,10).

Toi qui me lis, peut-être portes-tu douloureusement une lèpre secrète, une blessure à vif, un péché dont tu ne peux te libérer… N’aie pas peur de venir à Jésus, de te jeter à ses pieds et de te laisser toucher par lui. Tu l’entendras alors te dire : « Je le veux, sois purifié. » Ce miracle, nous le revivons à chaque fois que nous recevons le sacrement de la réconciliation, lorsque le prêtre nous impose les mains en disant : « Tes péchés sont pardonnés. »

« Et aussitôt, la lèpre partit loin de lui et il fut purifié. » Cette expression s’apparente à l’expulsion des démons ou des esprits impurs : quelque chose s’en va, un parasite est chassé, qui s’opposait à la vie, à la santé mentale ou physique.

La suite est surprenante, choquante même : « Et frémissant de colère contre lui, il le chassa aussitôt ; il lui déclare « veille à ne rien dire à personne, mais va, montre-toi au prêtre, et offre pour ta purification ce que Moïse a prescrit, pour leur donner un témoignage. »

Comment Jésus peut-il en même temps être ému aux entrailles et frémir de colère ? Pourquoi cette colère ? Le lépreux l’a-t-il poussé à opérer une guérison pour laquelle il n’était pas encore prêt, son heure pas encore venue ? A-t-il peur que son geste soit mal interprété ? Il se met comme en retrait, envoyant le lépreux faire constater sa guérison par un prêtre comme le stipule la Loi. Et il lui ordonne le silence.

« Mais celui-ci, sorti de là, commença à faire beaucoup de proclamations et à divulguer la parole… » Il a expérimenté la puissance de la Parole de Jésus, sa force agissante de libération et de réconciliation ; il a besoin d’en témoigner. Il devient contagieux de l’amour libérateur du Christ.

« … Si bien que lui, il ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville, mais il restait en dehors, dans des lieux déserts ; et l’on venait auprès de lui, de partout. »

Étrange renversement de situation : Jésus devient pestiféré, obligé de vivre hors les murs, et pourtant les foules accourent vers lui pour recevoir de lui la vie. Pareillement, la croix du Christ sera plantée dans un endroit désert. Jésus rejeté, mis à mort comme un impur, deviendra source de salut pour l’humanité tout entière : « Quand je serai élevé de terre, j’attirerai tout être vivant vers moi » (Jn, 12,32).

Frère Nicolas Morin

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