« Le Seigneur m’a dit : < Va>. » (Amos)
Les textes de ce dimanche paraissent, à première vue, d’un autre âge, du pur folklore. Vous vous rendez compte, partir sur les routes sans rien, pas de portefeuille, pas de carte de crédit, pas de téléphone portable. Heureusement que Marc, dans sa bonté, nous laisse bâton et sandales ! Merci de me laisser un bâton et des sandales, car j’ai peur des serpents et mes pieds sont fragiles.
Mais je voudrais relier cet Evangile à la lecture d’Amos, qui commence mal sa vie de prophète. Le prêtre Amazias lui dira: « Toi, le voyant, va-t’en d’ici. » Heureusement qu’à la fin il y aura « Va » J’ai l’impression que notre vie se situe entre le « va-t’en » et le « va » D’abord nous aurons à quitter le sein de notre mère, nos parents, parfois le pays, la profession, et à la fin de notre vie, cette terre que nous aimons.
Malheureux celui qui n’a reçu que le « va-t’en ». C’est l’expérience des sans-abri. « J’ai l’impression que je suis de trop sur cette terre » comme me le disait l’un d’eux. Mais heureux celui qui a reçu la Parole « Va » « Je crois en toi, je t’aime, je voudrais te donner une mission sur la terre. Tu ne peux seulement te contenter de ton luxe, de ta réussite sociale de ton argent. »
On ne peut servir deux maîtres. Si tu idolâtres l’un, il deviendra ton dieu et tu t’en iras tout triste sur la route comme le jeune homme riche de l’Evangile. Mais si tu n’emportes que l’amour, mon amour et l’amour de tes frères alors tu verras ta valise sera moins lourde. Car l’amour dans le cœur ne pèse pas beaucoup, mais a beaucoup de poids aux yeux de Dieu. C’est l’expérience d’Amos et des premiers disciples et de combien de témoins d’hier et d’aujourd’hui. Tous ont fait l’expérience d’un « va-t’en », d’un quitter et d’une Parole qui libère et qui envoie.
Si je reprends Amos, d’abord il reçoit une terrible gifle : « Toi, le voyant, va-t’en d’ici, fuis au pays de Juda; c’est là-bas que tu pourras gagner ta vie en faisant ton métier de prophète … car ici c’est un sanctuaire royal. » Et Amos de répondre naïvement : « Je ne suis pas prophète métier, je suis bouvier et je soignais les sycomores ». Et il ajoutera : « Mais le Seigneur m’a saisi quand j’étais derrière le troupeau, et c’est lui qui m’a dit: <Va> tu seras prophète pour mon peuple. »
Le prophète est toujours un homme fragile, petit, imparfait, sans reconnaissance sociale, mais il est saisi, soulevé, emporté par une Parole qui ne vient pas de lui, mais qui passe par lui. S’il refuse cette Parole il se renie lui-même. Il reste fondamentalement infidèle à sa mission la plus profonde. Mais cette Parole, ce « Va » lui fait peur, car il sait qu’il devra affronter un clergé officiel, compact, sûr de son autorité et de son pouvoir. En cela il précède Celui qui devra affronter le même clergé !
L’envoyé est toujours un homme fragile, pauvre, imparfait, même renégat. Saint Paul, avec son sens de la formule dira: « Non… que je sois parfait, mais j’ai été saisi par Jésus Christ. » (Phil. III 12). L’envoyé est toujours un pauvre que le Seigneur saisi pour porter sa Parole. C’est pour cela que Marc dans l’Evangile envoie en mission les disciples « deux par deux ». Deux pauvres qui s’en vont avec comme seul bagage la Parole de Dieu!
Une vielle règle de la Loi juive déclarait qu’un témoignage n’avait de valeur qu’attesté par deux personnes. Jésus reprend cette règle mais y redonne une saveur particulière : A ses yeux il est impossible de tenir un discours sur Dieu sans l’accréditer d’un échange d’amour. Car l’Evangile ne s’annonce jamais seul. Il faut être deux pour porter le souffle de la bonne Nouvelle.
Etre deux pour pouvoir compter sur un autre en toutes circonstances. Surtout, être deux, pour relire ensemble l’inouï de la Parole de Dieu. Mais cette Parole peut être refusée et souvent elle le sera! Alors humblement on secoue la poussière de ses pieds pour repartir plus léger , sans rancune pour annoncer la joie de l’Evangile.
« A qui irions-nous ? Tu as les Paroles de la, vie éternelle ! » (Jn VI 68)