Homélie du dimanche 12 novembre 2023, 32ème dimanche du Temps Ordinaire – Année A

« Voici l’époux, sortez à sa rencontre »

L’Évangile de Matthieu nous dit aujourd’hui quelque chose du Royaume des Cieux.
Le Royaume des Cieux c’est la présence de Dieu, le style de Dieu, dont nous pouvons faire l’expérience dans des situations concrètes de nos vies.
Une présence et un style qui sont à la fois déjà-là et pas encore tout à fait là.
Jésus n’a pas les mots pour le dire alors il utilise des paraboles.

Jésus compare le Royaume à une rencontre.
Dans la Bible, rencontrer l’époux c’est rencontrer Dieu.
Cette rencontre n‘est pas gagnée d’avance. Elle proposée à tous, mais elle se prépare.

Dans cette parabole Il y a ces dix jeunes filles invitées. Cinq qui partent comme elles sont, et cinq qui emportent de l’huile au cas où leurs lampes venaient à s’éteindre en attendant l’époux.

En essayant de comprendre où ce récit veut nous conduire, j’ai cherché différentes interprétations de ce que pouvait représenter l’huile. Certains commentateurs disent qu’il s’agirait de l’Esprit-Saint, mais cela conduit à plusieurs impasses : l’Esprit-Saint ne s’enferme pas dans un flacon, il ne s’achète pas chez le marchand et il peut être partager sans venir à manquer.
Finalement, c’est en découvrant l’interprétation d’une bibliste protestante (docteur en théologie), Priscille Morel (1), que j’ai réalisé que je cherchais le cœur de cette parabole au mauvais endroit, le plus fondamental n’est peut être pas cette histoire d’huile.

Dans le récit, toutes les jeunes filles s’assoupissent, avec ou sans huile. Toutes s’endorment.
Puis toutes entendent cet appel qui sort de la nuit « Voici l’époux, venez à sa rencontre ».
Alors toutes se réveillent et toutes se préparent.

C’est ensuite que ça se complique.
Les unes refusent de partager leur huile, renvoient leurs consœurs en pleine nuit, à un marchand qui est très certainement couché… et elles entrent à la noce.
Les autres, qui n’osent pas se présenter sans lumière, demandent aux premières, essuient un refus, repartent, parviennent à trouver de l’huile en pleine nuit… et malgré tous ces efforts se retrouvent
enfermées dehors.
Quel serait ce Dieu qui n’ouvre pas la porte ?

Alors, ces jeunes-filles insouciantes disent « Seigneur, Seigneur, ouvre-nous ».
Mais Il répond : « Je ne vous connais pas ».
Quel serait ce Dieu qui ne nous connaît pas ?

Ces jeunes-filles insouciantes disaient « Seigneur, Seigneur, ouvre-nous ».
La voix aurait pu répondre ce que Matthieu avait écrit quelques chapitres plus tôt dans ce même Évangile « Ce n’est pas en me disant : “Seigneur, Seigneur !” qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père (Mt 7,21). »

Mais alors quelle est la volonté du Père dans cette parabole ?

Elle est simple et au centre du récit. Juste quelques mots.
La voix dans la nuit disait seulement « Voici l’époux, venez à sa rencontre. »
Comme une voix intérieur qui dit « Allez. Viens. C’est ici et maintenant. »

Finalement, toutes ces jeunes filles sont comme moi qui cherchais à comprendre cette histoire d’huile, comme une sorte de laisser-passer, elles sont obnubilées par leurs lampes.

Les jeunes-filles prévoyantes peuvent entrer et vivre la rencontre malgré leur non-partage, malgré leur manque flagrant de charité, simplement parce qu’elles sont prêtes à temps.

Ce petit récit ne nous dit pas un Dieu qui se refuserait à nous.
Au contraire, le Dieu de ce récit est le même qui invite les ouvriers de la dernière heure (Mt 20,1-16), le Dieu qui accueille le malfaiteur (bon larron) au paradis (Lc 23,39-43), et pour qui les collecteurs d’impôts et les prostitués nous précèdent dans le royaume de Dieu (Mt 21,31).

Ce récit nous parle de toutes les occasions qui nous sont données chaque jour de rencontrer Dieu.
Chaque jour Il nous attend pour nous ouvrir sa porte et ce récit nous dit que nous devons prendre ces occasions au sérieux car nous pouvons les rater.

Il ne s’agit pas d’avoir le bon flacon d’huile dans son sac. La bonne histoire familiale, le bon passé sans travers, ou de bien entrer dans des étroites normes sociales et religieuses. Il ne s’agit pas d’avoir coché les bonnes cases.
La rencontre avec Dieu n’est pas ici l’affaire du passé mais du présent.

Veiller c’est choisir de se rendre disponible aux appels de Dieu qui surgissent dans nos vies.
Puissions-nous savoir dégager des espaces de disponibilité dans nos quotidiens qui peuvent-être surchargés.
Puissions-nous nous laisser surprendre et nous apprêter à chaque fois qu’une voix intérieure, dans notre nuit, convoque notre compassion et notre tendresse pour l’amour du prochain.

Ça arrive chaque jour. Là où nous vivons. Souvent, moi, je rate ces rendez-vous.
Ce n’est pas évident. C’est exigeant. C’est l’Évangile. Ça vaut le coup.

Hier, avec les jeunes qui ont participé au week-end franciscain, nous avons pu entendre plusieurs veilleurs nous témoigner des lieux de rencontre avec Dieu dans leur vie quotidienne, et comment ils
continuent chacun d’être attentifs à ses appels.

Des frères franciscains nous ont dit que leur façon d’être en relation dans le monde du travail interrogeait leurs collègues.

Un couple nous a partagé qu’une fonction d’autorité professionnelle peut être vécue avec un profond respect des personnes. Qu’il est possible de considérer chacun. De s’intéresser au personnel de ménage comme aux responsables.
Ils nous ont rappelé que nous avons tous notre propre vocation de chrétien et notre rôle à jouer.

Chez nos sœurs clarisses de Poligny nous avons fait l’expérience d’une fécondité par l’accueil qu’elles nous ont offert, et par la façon dont elles portent les soucis du monde dans la prière.

Ces témoignages nous ont ouvert sur des lieux, parfois très difficiles, parfois beaux et simples, dans lesquels nous pouvons essayer d’entrer pour devenir davantage des vivants en Dieu.

Dieu ne se lasse pas de compter sur notre présence pour se donner au monde à travers ce que nous avons d’unique, par des actes et des paroles que personne ne pourrait prononcer à notre
place.

Le Royaume de Dieu dont nous parle Jésus est comparable… à celles et ceux qui répondent à son invitation en engageant leur responsabilité au quotidien. Dans la foi, ils donnent Dieu au monde, à temps et à contretemps, par des grands et des plus petits gestes posés avec amour.

Frère Théo Desfours

(1) www.evangile-et-liberte.net/author/priscille-morel/

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