UNE LIBERATION MANQUEE ?
Elle est un peu triste l’histoire d’aujourd’hui dans l’Evangile !
Et pourtant elle avait bien commencé. Un homme qui a grand désir d’avoir la vie éternelle et qui accourt vers Jésus et tombe à ses genoux, le flattant d’un « bon maître ». Voilà un homme pieux et ardant ! Et pourtant Jésus semble le remettre à sa place, du moins sa manière de s’exprimer : « personne n’est bon sinon Dieu seul ! », Dieu est unique, il ne faut idolâtrer personne, Dieu lui seul est, lui seul est bon, il est la source de toute vie, de tout amour.
Tu connais les commandements, alors suis-les. Mais je les observe depuis ma jeunesse. Alors Jésus est comme bluffé, il y a de la générosité et de la fidélité chez cet homme : « Jésus posa son regard vers lui et il l’aima ». Ah le regard de jésus chez Marc, un regard qui nous espère !
Alors il lui propose de faire le pas : « Une seule chose te manque, vas, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres ; alors tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens et suis-moi. »
Cet homme désirait avoir la vie éternelle, il avait tout fait pensait-il pour l’avoir, il a obéi à la Loi, il a observé tous les commandements, tout à la force du poignet, à coup d’efforts et de volonté…
Une seule chose lui manque, de risquer sa vie à la suite d’un autre, de risquer sa vie pour les autres…de lâcher ses biens, de lâcher prise pour risquer la confiance, pour risquer l’amour.
Mais lui à ses mots, devint sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens.
Quel dommage ! Cet homme est prisonnier de ses richesses, de la Loi, des commandements, de ses efforts, de sa situation sociale et de je ne sais quoi encore…Il n’arrive pas à tomber dans les bras de Dieu nu comme un ver, nu comme un nouveau-né, nu comme un François d’Assise devant son père !
Il veut gagner son paradis alors qu’il s’agit de l’accueillir comme on accueille sa bien-aimée.
La vie éternelle est une vie qui commence aujourd’hui, le Royaume des cieux est parmi vous dit Jésus, et pour partir il faut s’alléger de ce qui nous alourdit si bien : nos sécurités, nos biens, qu’ils soient matériels ou sociaux, intellectuels ou religieux toutes ces choses qui nous sont d’un grand secours mais qui nous enferment si bien dans nos supériorités et dans nos égoïsmes si nous n’y prenons pas garde.
Partir sur les chemins de l’aventure parce qu’un visage entrevu nous appelle, nous fait signe, nous invite à marcher sur les eaux agitées de la tempête. Ces eaux qui nous entourent aujourd’hui, celles du refus de Dieu ou de son ignorance, celles de l’injustice ou du mépris, celles du plaisir facile et de la tranquillité à tout prix, celles de l’habitude et celles de la fatigue…
François notre Pape dans une très intéressante exhortation sur la sainteté : Exsultate et Jubilate nous invite à nous réveiller, à nous laisser bousculer par l’Esprit : « Nous avons besoin de l’impulsion de l’Esprit pour ne pas être paralysés par la peur et par le calcul, pour ne pas nous habituer à ne marcher que dans des périmètres sûrs…Comme le prophète Jonas nous avons en nous la tentation latente de fuir vers un endroit sûr qui peut avoir beaucoup de noms : individualisme, spiritualisme, replis dans de petits cercles, dépendances, routines, répétitions de schémas préfixés, dogmatismes, nostalgie, pessimisme, refuge des normes…
« Dieu est toujours une nouveauté, qui nous pousse à partir sans relâche et à nous déplacer pour aller au-delà de ce qui nous est connu vers les périphéries et les frontières…
« Demandons au Seigneur la grâce de ne pas vaciller quand l’Esprit nous demande de faire un pas en avant… »
Et surtout demandons au Seigneur de nous laisser toucher par son regard qui nous aime, nous accompagne et nous soutient…Ce regard qui veut le meilleur pour nous
Frère José Kohler