TOUCHEZ MES MAINS ET MES PIEDS
Il y a, à l’ermitage de La Cordelle, à Vézelay, un vieux noyer que j’aime beaucoup. Une forte tempête est venue fracasser cet arbre plus que centenaire, ne laissant que le vieux tronc avec sa blessure béante. Que faire ? Certains conseillaient d’arracher le vieux tronc afin de planter un jeune arbre plein de vigueur. Les frères choisir de faire confiance en la vie. Et la vie s’est frayée un passage. Des branches ont poussé, un peu tordues, certes, mais vigoureuses, ne cachant rien de la blessure qui les avait vu naître. Ce noyer, aujourd’hui, a une beauté unique, fragile et fort à la fois.
Ce noyer me parle de l’évangile de ce dimanche. Les disciples oscillent entre la peur et la joie. Quelque chose en eux n’arrive pas s’abandonner à la joie de la Résurrection. Comme si les évènements s’enchaînaient trop vite. Ils ont besoin de faire leur propre chemin intérieur, d’accueillir en eux-mêmes la Résurrection.
« Jésus était là , au milieu d’eux. » Sans doute ne les avait-t-il jamais quitté, mais leurs yeux étaient incapables de le reconnaitre. Il est là , témoin patient de nos balbutiements à croire.
Ce n’est pas un pur esprit. L’évangile insiste beaucoup sur la présence corporelle de Jésus. Le corps, c’est ce qui nous relie aux autres, ce qui nous fait être en relation. La Résurrection n’est pas une simple réanimation du corps de chair ; il y a bien transformation, transfiguration. C’est pourquoi les disciples ne le reconnaissent pas. Et pourtant, il est bien là , totalement présent, réellement présent. « Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! Touchez-moi, regardez. Après cette parole, il leur montra ses mains et ses pieds. »
Les disciples ne peuvent entrer dans l’expérience de la Résurrection sans avoir d’abord touché les plaies de Jésus. Et toucher les plaies de Jésus, c’est nous laisser rejoindre dans nos propres faiblesses.
Cet homme qui vient porter la paix aux disciples apeurés se montre à eux vulnérable, blessé mais pleinement vivant, de cette vie que rien ni personne ne pourra jamais lui ôter. On est loin du Christ en gloire, triomphant, du tympan de nos cathédrales !
C’est ainsi qu’il se rend présent et demeure parmi nous, compagnon de notre humanité blessée, nous invitant à puiser en lui, en nous, cette Vie indestructible parce qu’elle jaillit sans cesse du cœur de Dieu.
Et c’est alors, et alors seulement, que Jésus Ressuscité envoie ses disciples en mission ; « C’est vous qui en êtes les témoins. »
Être témoins du Ressuscité, c’est, comme lui, avec lui, nous tenir humblement au cœur de notre humanité blessée, sans chercher à cacher nos propres blessures, mais au contraire, témoigner que Dieu crée les plus beaux chefs d’œuvre à partir de ce qui semblait sans avenir et presque mort. Comme mon vieux noyer de La Cordelle !
Frère Nicolas Morin