Homélie du dimanche 14 juillet 2024. 15ème dimanche du temps ordinaire – Année  B, du frère Nicolas Morin

« ALLEZ, JE VOUS ENVOIE… »

« Jésus appelle les Douze, et pour la première fois il les envoie… »

Jésus appelle et envoie. Avant d’être envoyés, nous sommes appelés à cheminer avec Jésus, afin d’apprendre à le connaître et à l’aimer. Il s’agit pour nous d’être apôtres à la manière de Jésus, sans trahir ni son message, ni sa manière d’être. Le messager doit s’effacer derrière celui qui l’envoie.

« Il les envoie deux par deux. »

La mission ne peut qu’être communautaire. La Fraternité vécue au quotidien est le premier lieu de la mission. C’est elle qui porte témoignage et rend crédible la prédication. Avant de partir sur les routes, soignons le vivre ensemble, apprenons à nous accueillir comme frères et sœurs avec toutes nos différences de sensibilité, de culture, d’âge, de couleur de peau… A l’heure où les discours politiques sont si clivants et cherchent à nous opposer les uns aux autres, la communauté chrétienne témoigne d’un vivre ensemble non seulement possible mais heureux.

J’ai été marqué, à la lecture de cet évangile tant de fois entendu par ce que Jésus ne dit pas ! Il n’envoie pas ses disciples fonder de nouvelles communautés, ni mêmes des œuvres de bienfaisances… Au contraire, il invite ses disciples à être les plus légers possibles. C’est à méditer à l’heure où notre Eglise est asphyxiées par des structures trop lourdes. Comment avoir le courage de laisser les structures qui ont eu leur pertinence à d’autres époques mais qui aujourd’hui nous plombent ? Comment retrouver un peu de cette liberté évangélique vécue par Jésus et ses premiers disciples ? Pour Jésus, la relation prime sur tout le reste.

Il invite ses disciples à être les plus légers possibles afin d’être vulnérables aux rencontres qui leur seront données de vivre en chemin. « Il leur prescrivit de ne rien emporter pour la route, si ce n’est un bâton ; de n’avoir ni pain, ni sac, ni pièces de monnaie dans leur ceinture. » Ils vont vers les autres comme des pauvres, les mains vides, afin de laisser à l’autre le soin de prendre l’initiative du don. François d’Assise a bien compris cela qui demande à ses frères d’être « mineurs, plus petits ».

Je repense ici à une expérience fondatrice de ma vie. Je suis parti, à 21 ans, deux ans en Égypte dans le cadre de la coopération. Je voulais découvrir de l’intérieur ce que c’était que de se sentir étranger dans un pays qui n’est pas le mien. L’expérience fut rude. Je n’étais pas préparée à ce choc des cultures. Mais j’ai fait surtout l’expérience d’un accueil inconditionnel des Égyptiens envers moi, l’étranger. Que de portes ouvertes… Quel abime avec la manière dont nous traitons les étrangers en France. A mon retour, mon regard avait changé, s’était élargi…

« Il leur donnait pouvoir sur les esprits mauvais. […] Ils chassaient beaucoup de démons. » Nous ne sommes pas forcément très à l’aise avec cette dimension de la mission. Et pourtant… Les démons sont bien là qui sèment la confusion, la zizanie… Ils nous divisent intérieurement et entre nous. Ils se manifestent sous l’apparence du bien afin de fausser notre jugement et nous jeter dans le trouble. Nous en faisons l’expérience au quotidien dans notre vie et dans la vie du monde. Jésus nous invite à ne pas nier cette dimension du combat spirituel. Là où le démon divise, Jésus nous invite à être ferment de paix et de réconciliation, sans nous démonter lorsque les portes restent fermées : « Si, dans une localité, on refuse de vous accueillir et de vous écouter, partez en secouant la poussière de vos pieds : ce sera pour eux un témoignage. »

Jésus demande ensuite à ses disciples de prendre soin des plus fragiles : « Ils faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades, et les guérissaient. » Rien de bien original. Il s’agit là de poursuivre la mission même de Jésus.

« Ils partirent, et proclamèrent qu’il fallait se convertir. » C’est la raison même de la mission de Jésus exprimée au début de son ministère public : « Le temps est accompli : proche est le royaume de Dieu ! Convertissez-vous et croyez à la bonne nouvelle. »
Frère Nicolas Morin

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