Homélie du dimanche 17 mars 2024 du frère Max de Wasseige

5ème dimanche de Carême  — Année B

Je resterai uniquement sur une phrase qui résume tous les textes de ce de dimanche : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit Â».Le Semeur est « sorti Â» pour semer sa semence. Celle du Royaume de Dieu. Celle du Règne de l’Amour. Jésus est non seulement le Semeur « sorti Â»de Dieu, le Verbe fait chair, mais il est aussi la Semence qui doit être jetée en terre pour donner du fruit.

Cette petite parabole du « grain qui meurt pour renaître Â» est une des plus riches de nos Evangiles. A elle seule, elle vaut tout un traité sur l’incarnation, le salut, la secrète fécondité de toute une vie animée par l’amour, le mystère du don de soi-même qui fait jaillir la vie. L’image de la parabole est parlante. Elle frappe surtout par l’opposition entre deux réalités : d’un côté une solitude stérile et de l’autre une abondance de fruits. Et l’on comprend bien que l’image de la graine évoque la possibilité d’une incroyable fécondité.

Et Jésus va s’expliquer : « Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle». La vie ne mérite-t-elle pas d’être aimée ? Jésus la mépriserait-il ? « C’est vraiment une grande misère de vivre sur la terre »disait « L’imitation de Jésus-Christ » (Pg.69). ÂUne mauvaise spiritualité nous a enseigné que pour aller au ciel il fallait mépriser tout ce qui est terrestre. Or,  nous savons bien que Jésus est venu pour que nous ayons « la vie en abondance » (Jean  X 10). C’est aujourd’hui la vie éternelle. C’est aujourd’hui que nous avons à être vivant,  à être des vivants !   Mais,  pour cela, nous avons souvent à nous détacher de notre égocentrisme, de notre petit moi tourné sur lui-même.

S’il est une vie pleinement aimée, pleinement vécue, c’est bien celle de Jésus. Homme libre, faisant face à tout et à tous, vivant les Béatitudes avant de les proclamer : « Là où il passait il faisait le bien » (Actes X 30) Jésus était tellement amour, tellement vivant,  tellement lumineux,  que les hommes ne l’on pas supporté, il fallait qu’il disparaisse ! Il s’en est vite rendu compte : « Je suis bouleversé… Père délivre-moi de cette heure »La Lettre aux Hébreux parlera même de « cri et larmes » Mais après l’effroi, il se reprend : « Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure. Père glorifie ton nom ! » Si le grain ne meurt… ! La petite Parabole il se l’est d’abord appliquée à lui-même !

ÂCe grain qui meurt et porte fruit est un étonnant symbole de la vie pascale de tout chrétien qui doit choisir entre une vie stérile ou une vie  féconde. Et ce n’est jamais sans douleurs ! Nous sommes tous invités à entrer dans ce mystère de fécondité, mais que de morts à son égo pour aimer vraiment. Nous en faisons tous l’expérience ! E. Bianchidira justement : « La vraie mort est la stérilitéÂde celui qui ne donne pas,  qui ne dépense pas sa propre vie, mais veut la garder jalousement. Accepter de donner sa vie jusqu’à mourir, c’est le chemin de la vie en abondance, pour nous et pour les autres ». ÂC’est le chemin qu’a pris Jésus.

Le temps du Carême n’est-ce pas ce temps de nous libérer de cette religion mortifère,  culpabilisatrice, moralisante où il fallait  haïr sa vie en ce monde pour obtenir la vie éternelle. Il nous reste parfois des restes de ce catéchisme qui enlève toute fécondité  la vie.  La première question que le Père éternel nous posera, à la fin de notre vie, ce sera peut-être : « Est-ce que tu as fait grandir la vie que je t’ai donnée ? Le talent, ce petit grain de blé que je t’ai donné l’as-tu fait fructifier ?  Est-ce que tu es resté, jusqu’au bout,  un passionné de la vie ?

Frère Max de Wasseige

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