QUAND JESUS LÈVE LE VOILE
Dans le cadre de la foire du livre de Brive, un auteur, par ailleurs astrophysicien, était venu rencontrer des élèves. En leur parlant des planètes, il cherchait à leur communiquer son enthousiasme pour la beauté et la complexité de l’univers. Mais, loin de susciter l’émerveillement escompté, le scientifique essuya un tir nourri de questions angoissées sur l’avenir de la planète : « Que pensez-vous de la prophétie de Nostradamus ? Notre planète peut-elle encore vivre longtemps ? Sommes-nous condamnés ? »
Loin de l’insouciance, les enfants naissent et grandissent dans un monde qui se sait fragile, fini. Beaucoup sont habités par une angoisse diffuse : notre monde a-t-il encore un avenir ? Avons-nous encore le droit de rêver notre avenir, de nous projeter dans un futur accueillant et sécurisant ? Finalement, assiste-t-on à la fin du monde, ou tout au moins à la fin d’un monde, ce monde tel que nous l’avons connu jusqu’alors, qui nous a portés et nourris ?
Nous ne sommes ni les seuls, ni les premiers à nous poser ces questions. Notre monde a traversé bien des crises qui ont conduit les hommes à se demander si les signes annonciateurs de la fin du monde n’étaient pas réunis. Il s’est toujours trouvé des prophètes de malheur pour semer la peur et le doute dans le cœur des hommes.
C’était déjà le cas à l’époque du prophète Daniel, au troisième siècle avant Jésus-Christ. Le peuple Hébreu est alors sous le joug d’un roi sanguinaire, Antiochus-Epiphane, qui profane le Temple et installe, en lieu et place de l’Arche d’Alliance, sa propre effigie dans le Saints des Saints.
C’est le cas du premier siècle de notre ère. Les Juifs assistent, impuissants, à la destruction du Temple de Jérusalem, en 70, et doivent fuir dans tout le monde inconnu. Ils ne cesseront alors de rêver à leur retour, un jour, sur la colline de Sion, Jérusalem. Les Chrétiens ne sont pas en reste, eux qui paient de leur vie leur attachement au Christ, rejetés par les Juifs et pourchassés par les Romains.
Ce chaos n’annoncerait-il pas la fin du monde, la venue définitive et glorieuse du Christ en Gloire ?
Pour décrire cette période de crise terrible, l’évangéliste Marc utilise le langage apocalyptique : « En ces temps-là, après une terrible détresse, le soleil s’obscurcira et la lune perdra son éclat. Les étoiles tomberont du ciel et les puissances célestes seront ébranlées. »
Si vous ouvrez votre Bible à la première page, au livre de la Genèse, vous trouverez les mêmes éléments : le soleil, la lune et les étoiles. Mais c’est pour dire que Dieu a tout crée dans une bienfaisante harmonie et que cela est très bon.
Tout le contraire de l’évangile de ce jour qui, loin de l’harmonie, nous décrit le chaos. Nous assistons à une véritable décréation.
N’est-ce pas ce que nous constatons aujourd’hui ? L’homme laissé à ses seuls instincts de puissance, de domination, de consommation, oublie l’harmonie qui le relie à toute la création. Il oublie qu’il est lui-même une créature, appelé à fraterniser avec les hommes comme avec les éléments.
Le but de ces lectures n’est pas de nous faire peur. Jésus nous dit au contraire qu’il faut savoir « lever le coin du voile » (c’est le sens du mot apocalypse), regarder au-delà des apparences, pour y voir la puissance de Dieu à l’œuvre.
Notre monde est déjà sauvé. Il faut le regarder à la lumière de la mort et de la résurrection de Jésus. Jésus n’a pas esquivé la violence et la désespérance de notre monde, il ne s’est pas dérobé. Jésus a traversé la nuit la plus profonde. Sur la croix, le soleil s’est voilé pour laisser place aux ténèbres les plus profondes. Mais au petit matin du jour de Pâques, tel un soleil levant, Jésus s’est relevé du tombeau, annonçant l’aube d’une création nouvelle.
Notre monde n’est pas pourri, fini. Il est en gestation, encore dans les douleurs de l’enfantement. C’est vrai qu’il y a un combat. C’est vrai que nous sommes, les uns et les autres, appelés à nous engager pleinement pour qu’enfin règnent la paix, la justice et le respect de la création. Pensons, en cette journée de soutien au Secours Catholique, au travail que font tous les bénévoles, jour après jour, auprès des plus petits, des plus exclus. Il y a aussi ces chrétiens qui s’engagent pour la planète au sein de divers mouvements ou associations. Et tant d’autres initiatives. Les chrétiens sont au cœur de la lutte mais, au fond de nous, nous savons que ce combat est déjà gagné. « N’ayez pas peur, dit Jésus, je suis vainqueur du monde. » Nos enfants ont besoin de trouver des adultes pleins de confiance et d’espérance. Non parce que nous nous voilerions la face devant les défis ne notre époque, mais parce que nous regardons le monde avec le regard de la foi.
Notre monde est déjà sauvé mais encore en gestation. Nous sommes des veilleurs, des sentinelles du matin. Nous attendons activement le jour où la création sera enfin achevée, baignant pleinement dans la lumière de la Résurrection.
Viens, Seigneur Jésus !
Frère Nicolas Morin