Homélie (1) du dimanche 17 septembre 2023, 24ème dimanche du Temps Ordinaire – Année A

« SOYEZ MISERICORDIEUX COMME VOTRE PERE EST MISERICORDIEUX. » (Mt 18, 21-35)

Seigneur Jésus, une fois encore, tu nous révèles le cœur du Père, l’absolue gratuité de l’amour.

Dieu donne tout. Dieu se donne tout entier.

L’expression la plus belle de ce don, c’est ta Création ; et au cœur de la Création, l’homme et la femme appelés à refléter l’immensité de cet amour.

Nous pouvons donc nous recevoir tout entiers avec gratitude, comme des cadeaux jaillis de la tendresse du Père ?

Alors pourquoi cette tristesse diffuse qui nous traverse parfois, cette impossibilité qui est la nôtre de nous abandonner à cet Amour ?

Des blessures passées ou présentes ont pu instiller en nous l’idée que nous n’étions pas dignes, qu’il nous fallait mériter cet amour, conquérir l’amour de nos proches. Entreprise épuisante et jamais atteinte.

Une sombre rancune s’est parfois installée envers ceux qui n’ont pas pu, ou pas su, nous aimer de cet amour dont nous avions tellement soif, et cela nous a coupés les ailes, recroquevillés sur nous-mêmes.

Nous avons projeté sur Dieu l’image de ce père dur, exigeant, venant demander des comptes à des enfants jamais à la hauteur du don premier, toujours en dette de quelque chose. En nous coupant de la Source de vie, nous nous sommes coupés de nous-mêmes.

Ce matin, Seigneur Jésus, tu viens nous rendre à nous-mêmes, nous engendrer à la vie, à Ta Vie. Le chemin de cette nouvelle naissance, c’est la découverte de la miséricorde. « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. » Miséricorde : donner son cœur à celui qui est misère.

Notre misère serait donc le chemin que le Père choisit pour nous rejoindre et se révéler à nous ? Ce grand vide que nous ressentons pourrait donc devenir le réceptacle par lequel la grâce nous est donnée, amour infini du Père ? Sans que j’aie à le mériter d’aucune manière. Par pure gratuité.

Dieu nous pardonne, nous rend à nous-mêmes. Son pardon offert nous transforme, nous donne de naître à celui ou celle que nous sommes appelés à être dans le cœur de Dieu depuis toujours.

Seigneur Jésus, tu nous invites à goûter la liberté, de celle dont tu as fait preuve ta vie durant. Être libre, c’est refuser de se laisser enfermer dans le ressentiment, de ressasser sans fin les vieilles blessures, pour entrer dans un chemin de pardon.

Pardonner n’est pas excuser la faute de l’autre – il n’y a pas de pardon sans justice – ; pardonner, c’est signifier à mon agresseur qu’il est plus grand que son péché, qu’un avenir est possible, que reconnaître sa faute et la réparer n’est pas humiliant mais, au contraire, que cela ouvre à une qualité d’être plus grande.

Pardonner, c’est se libérer de ses vieilles rancunes qui nous empoisonnent la vie, et qui parfois se transmettent de génération en génération.

Pardonner est un chemin de conversion souvent au-delà de nos propres forces. C’est une grâce à demander. Parfois la blessure est trop vive, ou trop profonde. La prière de Jésus en croix m’a beaucoup aidé : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Jésus demande au Père de pardonner. Peut-être que lui-même, à ce moment-là, n’avait pas la force de pardonner ? C’était au-dessus de ses forces. Alors, il se tourne vers le Père, lui qui fait lever son soleil sur les bons comme sur les méchants. Et la souffrance consentie de Jésus, la souffrance vécue dans l’abandon total à la miséricorde du Père, devient le lieu où le cœur du Père se dévoile tout entier, torrent de miséricorde qui s’écoule du côté transpercé du Fils et qui renouvelle toute l’humanité.

Seigneur Jésus, me voici devant toi ce matin.

Donne-moi la grâce d’expérimenter ta miséricorde,

De cesser chercher à mériter ton amour

Pour m’abandonner tout entier à ton pardon.

Donne-moi d’être témoin de ta miséricorde,

De m’exercer jour après jour au pardon.

Et ce que je ne peux pas pardonner,

Fais, Seigneur Jésus, que je sois capable de le vivre un jour.

Frère Nicolas Morin

blank

Connexion