1er dimanche de Carême — Année B
L’ESPRIT CHASSA JESUS AU DESERT(MARC 1, 12-15)
« Et aussitôt, l’Esprit chassa Jésus au désert… » Cet « aussitôt » relie l’épisode du désert au baptême de Jésus qui le précède. Baptême et tentations de Jésus sont donc liés.
Jésus a été « plongé » dans l’eau, dans le grand bain de notre monde, cette part obscure de notre humanité. Un jour, il plongera plus bas encore, dans la profondeur du tombeau. « Il est descendu aux enfers », proclame notre Credo. Les enfers ne sont pas à chercher dans un ailleurs ou un au-delà de notre vie : ce sont tous ces lieux de désespérance, de violence, d’injustice qui gangrènent le monde. Ces ténèbres peuvent être au cœur même de notre vie, de notre histoire.
Jésus nous rejoint là , au cœur de ces abimes, à ce niveau de profondeur. Mais s’il descend, c’est pour mieux remonter, et toute l’humanité dans son sillage, comme il se relèvera du tombeau au matin de Pâques.
Le ciel alors se déchire, dévoilant le visage de Dieu, ce Père infiniment proche, un Dieu qui « parle » : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi je trouve ma joie. » Ce « Tu » est adressé à Jésus d’une manière unique, particulière, mais Jésus nous révèlera que, par lui, nous devenons tous des fils adoptifs du Père.
Je me mets à l’écoute de cette voix du Père, je demande la grâce de l’accueillir, de l’entendre avec l’oreille du cœur. Je fais la joie du Père quand je m’accueille comme son enfant bien-aimé.
Pourquoi cette transition si brutale : « Aussitôt, l‘Esprit chassa Jésus au désert » ? Le mot grec erêmos signifie « solitude ». Jésus se retrouve seul, face à lui-même. C’est alors qu’au cœur du silence se fait entendre une autre voix : « Il était dans le désert… mis à l’épreuve par Satan. » Marc n’en dit pas plus. Matthieu et Luc explicitent les trois tentations qui commencent par : « Si tu es le Fils de Dieu… » (ce sera aussi la dernière tentation de Jésus en croix).
Ce qui se joue dans le désert, c’est donc la vérité de la relation du Fils avec le Père. Jésus va-t-il accepter, jour après jour, de se nourrir de la parole du Père, de mettre toute sa joie en lui, ou bien va-t-il se murer dans une solitude toute-puissante, ne comptant que sur lui-même ?
Le verbe « chasser » renvoie à Adam et Ève chassés du Jardin, eux qui n’avaient pu donner leur confiance en la Parole bienveillante du Père, laissant place au doute, à la jalousie, à la peur.
Là , dans le désert, se joue la réconciliation profonde de l’homme avec lui-même. Retrouvera-t-il le chemin de la confiance, se recevra-t-il comme fils bien-aimé du Père, ou choisira-t-il la solitude autosuffisante ?
Le « Oui » de Jésus au Père nous sauve de nos enfermements morbides. Dans le oui de Jésus se trouvent, comme en germes, tous nos oui qui nous rétablissent dans une relation confiante, harmonieuse, joyeuse avec le Père.
C’est là tout l’Évangile, cette Bonne Nouvelle en actes annoncée par Jésus. Le Royaume de Dieu est à chercher dans cette relation renouvelée de l’humanité avec son Dieu.
Apprendre à nous recevoir comme enfants bien-aimés du Père : tel est le beau chemin de conversion auquel Jésus nous invite en ce Carême.
Au désert, Seigneur, tu me donnes d’éprouver la solidité de ta Parole. Elle m’engendre sans cesse à la vie et fait de moi ton enfant bien-aimé.
Lorsque d’autres paroles sèment en moi la confusion, me font douter de ta bonté, donne-moi ton Esprit de force et de discernement.
Et si je succombe à la tentation, viens me relever comme un père prend son enfant par la main.
Frère Nicolas Morin