Homélie du dimanche 2 janvier 2022 – l’Épiphanie du Seigneur – Année C

FAIRE ROUTE AVEC LES MAGES

Nous allons essayer de méditer et de goûter cette belle histoire des mages en nous méfiant du romantisme qui viendrait nous cacher toute la richesse symbolique de l’Evangile de Matthieu. C’est sans doute la lecture symbolique et poétique qui est la plus intéressante parce qu’elle peut nous mettre en route, nous éclairer sur notre démarche de foi et nous ouvrir à l’étrange, à l’étranger.

Matthieu est le seul à nous rapporter l’événement et son texte est construit sur une opposition : d’un côté, les chercheurs de Dieu conduits par une étoile que saint François appelait « claire, précieuse et belle ». Et de l’autre, le terrible Hérode avec sa cour de scribes. Hérode, lui, ne regarde pas la voûte étoilée car il se prend pour le centre de l’univers !

Suivre son étoile, oser se mettre derrière l’étoile, comme les mages, amène nécessairement à plier le genou et à adorer l’Enfant. Le signe que les mages ont discerné, parmi la constellation du firmament, les achemine vers le signe paradoxal de l’infini petit. Signe fragile, pauvre, qui clignote entre nuages et éclaircies, car Dieu ne s’impose jamais. Il n’a pas parlé d’une voix tonitruante venue du ciel, il se dévoile en cours de route à ceux qui ont accepté, justement, de se mettre en route derrière la petite étoile. Il se dévoile dans la fragilité et le sourire de l’Enfant.

Mais en contemplant la scène, on peut se demander : sommes-nous du côté de ces croyants installés, aveuglés, qui n’ont pu reconnaître l’enfant ? Ou bien sommes-nous du côté des mages, ces marcheurs éblouis par l’étoile ? Car c’est le paradoxe de l’Evangile : il vaut mieux être un païen en marche (qui n’a pas dans son cœur un coin de paganisme ?) qu’un croyant qui ne cherche pas, ne marche pas, n’adore pas.

Les autorités juives interprètent correctement les prophéties mais ne bougent pas, ne cherchent pas l’enfant, ne vont pas l’adorer. Quelle ironie, mais quel humour aussi ! Le chemin que les responsables juifs, bien qu’éclairés par l’Écriture, n’ont pu faire, ces mages païens et obscurs l’ont suivi ! Ils ont osé suivre l’étoile malgré toute l’ambiguïté de l’astrologie.

Faire la route avec les mages, c’est encore continuer malgré la fatigue de la route et la pandémie sur le chemin. Ne pas se lasser d’avancer à travers les malheurs et les bonheurs, et continuer de croire à l’étoile malgré les éclipses. Le chemin d’une vie n’est jamais tout droit, il y a des tours et des détours, des contours. Mais Dieu est là, Lui le Grand Veilleur sur les marcheurs à l’étoile.

L’étoile nous fera un clin d’œil malicieux. Et peut-être qu’elle nous dira : Ne t’enferme pas dans la sécurité de Jérusalem, ne te crispe pas sur tes certitudes, avance vers l’enfance, vers ton enfance. Étrange étoile qui te fait avancer vers l’enfance éternelle. Un jour, son jour, si tu continues de marcher, tu trouveras l’enfant, tu trouveras ton enfance qui rit, qui pleure, qui joue !

L’Évangile n’est pas un corps de doctrine qui dessèche le cœur, c’est une Bonne Nouvelle pour ceux qui ont gardé un cœur d’enfant. Bonne Nouvelle pour ceux, qui savent, comme le Petit Prince, rire en regardant les étoiles : « Si vous voyagez un jour dans le désert… je vous supplie, ne vous pressez pas, attendez un peu juste sous l’étoile ! Si alors un enfant vient à vous, s’il rit, s’il a des cheveux d’or, s’il ne répond pas quand on l’interroge, vous devinerez bien qui il est. » (A. de Saint-Exupéry)

Les mages ont trouvé l’étoile qui parlait, qui riait, qui conduisait. Ils se sont laissés guider par la part enfantine de leur être. Et l’étoile s’est arrêtée. Là ils virent l’Enfant et se prosternèrent devant Lui. L’Étoile les a conduits au bout du chemin, mais l’enfant deviendra le Chemin. Pour le retrouver ils devront repartir par un autre chemin.

Car comme dit le proverbe : « Si tu crois que tu as trouvé ton chemin, tu perds ton chemin. »

Frère Max de Wasseige

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