Qui est le Christ pour moi ? Quelle place a-t-il dans ma vie ? Jusqu’où suis-je prêt à aller pour le suivre ?
Telles sont les questions brûlantes et dérangeantes que pose l’évangile de ce dimanche.
Ce passage se situe à la fin du chapitre 10 de Saint Matthieu. Après avoir appelé les 12 apôtres, Jésus les prépare à partager sa propre mission, en son nom.
M’aimer et me suivre, nous dit Jésus, ne va pas sans choix parfois douloureux, crucifiants. Nous nous retrouvons parfois écartelés entre plusieurs attachements.
La remarque de Jésus n’a rien de théorique. Lui-même a dû vivre douloureusement l’arrachement à sa famille et ses amis. Les premiers chrétiens, contemporains de l’évangile de Matthieu, vont connaître le rejet et la persécution. Des familles seront déchirées entre les convertis au christianisme et ceux qui restent attachés au judaïsme ou aux religions traditionnelles.
Les propos durs, radicaux, de Jésus par rapport aux liens familiaux m’ont amené à y regarder de plus près les relations qu’il entretien avec sa propre famille. Elles ne sont pas de tout repos, pour lui comme pour les siens.
Il y a d’abord l’épisode fameux de Jésus au Temple, lorsque ses parents le retrouvent, alors âgé de 12 ans, devisant tranquillement avec les prêtres : « Mon enfant, ton père et moi te cherchons depuis trois jours ! » – « Ne savez-vous pas que je dois être aux affaires de mon Père ? », leur répond-il tranquillement !
Il y a encore ce fameux épisode que relatent plusieurs évangélistes de la famille de Jésus qui vient le chercher alors qu’il prêche dans une maison. « Il est devenu fou », se disent-ils. Et Jésus de leur faire dire : « Qui est ma mère ? Qui sont mes frères et mes sœurs ? Ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique. »
Jésus prend de la distance avec sa famille. Il refuse de se laisser enfermer, accaparer par des liens exclusifs. Cela veut-il dire pour autant qu’il n’aime pas sa famille ? Bien sûr que non ! Marie fera partie du cercle de ses proches qui l’accompagneront tout au long de sa mission, jusqu’au pied de la croix. Elle sera encore avec les disciples au Cénacle, attendant la résurrection, puis la Pentecôte. Jacques, le frère de Jésus, sera un des responsables de la première communauté de Jérusalem.
Jésus nous invite à prendre conscience de la qualité des liens que nous entretenons avec nos proches, famille ou amis. Nous ouvrent-ils à un amour plus grand, à Dieu qui est source de tout amour ?
La foi est un risque et elle nous conduit parfois à des choix douloureux. Je pense à ce catéchumène, un étudiant converti à la foi chrétienne. Son père ne lui parle plus depuis l’annonce de son baptême.
Je pense aussi à certains moments de notre vie où nous sommes conduits à rechoisir le Christ. Lorsque, après des années de mariage ou d’engagement dans la vie religieuse, nous tombons amoureux. Soudain, tout ce que nous avons vécu jusqu’alors nous semble fade, perd son sens. Nous sommes éblouis et aveuglés par un amour qui occupe tout le champ de notre conscience. Pourquoi rester quand le bonheur semble nous tendre les bras ailleurs ?
Suivre le Christ, tout quitter pour le suivre, c’est alors faire mémoire d’une parole donnée il y a bien longtemps : « Je me donne à toi pour toujours. » Il ne reste plus que la foi en la fécondité d’une promesse tenue vaille que vaille, mais surtout de l’expérience de la fidélité de Dieu. Quand Dieu promet, c’est pour toujours. Nous pouvons construire notre vie sur sa parole. C’est du solide.
Seigneur Jésus, ta parole est dure à entendre,
plus dure encore à mettre en pratique :
« Qui aura assuré sa vie la perdra
et qui perdra sa vie à cause de moi l’assurera. »
Donner notre vie, apprendre à aimer du même amour que toi,
voilà le chemin du vrai bonheur.
Parce qu’il y a plus de joie à donner qu’à recevoir.
Frère Nicolas Morin