FÊTE DU CORPS ET DU SANG DU CHRIST
« Ceci est mon corps, prenez et mangez. »
« Ceci est mon sang, prenez et buvez. »
Les mots nous atteignent et blessent notre intelligence. Comme bien des disciples de Jésus, nous nous questionnons, nous aussi : « Comment Jésus peut-il donner sa chair à manger ? » (Jn 6, 52).
Oui, comme vous peut-être, je butte sur le mystère de l’Eucharistie. Et pourtant, l’Église nous dit que l’Eucharistie est source et sommet de la vie chrétienne. Il ne faut donc pas renoncer à entrer dans l’intelligence de l’Eucharistie mais au contraire l’approfondir sans cesse.
Je voudrais explorer avec vous trois pistes de réflexion qui sont loin d’épuiser le mystère.
L’Eucharistie, sacrement de la présence
Nous croyons en la « présence réelle » du Christ en son Eucharistie. Mais de quoi parlons-nous au juste ? Qui se rend présent, et comment ? Pour y répondre, il nous faut ouvrir les récits de la résurrection. Que constate-t-on ?
Le Ressuscité se rend successivement présent aux femmes, aux onze apôtres enfermés dans leur maison, puis aux disciples en chemin vers Emmaüs… Il y a un point commun à tous ces récits : ils ne le reconnaissent pas. Jésus ressuscité est bien là, présent, et pourtant, ils ne le reconnaissent pas !
Qu’est-ce à dire sinon que Celui qui apparaît, ce n’est plus le Jésus de l’histoire, l’homme Jésus qu’ils ont suivi sur les routes de Palestine, mais le Ressuscité dont le corps apparaît tout autre ? Il est là, réellement, mais sa présence se manifeste au cœur plus qu’aux yeux ; elle se reconnaît à la paix et à la joie qu’elle laisse dans son sillage. « Notre cœur n’était-il pas tout brûlant en nous tandis qu’il nous parlait en route ? », s’exclament les disciples d’Emmaüs.
Oui, l’Eucharistie est sacrement de la présence du Ressuscité qui vient aujourd’hui encore marcher sur nos routes. Une présence qui ne se limite pas au pain eucharistique. Quatre fois, le prêtre répète durant l’Eucharistie : Le Seigneur soit avec vous ! Et à chaque fois, c’est pour nous inviter à découvrir un mode de présence du Christ ressuscité :
– Au début de l’Eucharistie, alors que l’assemblée se rassemble et prend corps : le Christ est présent au milieu de son peuple réuni. Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux.
– Avant la proclamation de l’évangile : le Christ est présent dans sa Parole. Bien plus, il est La Parole. C’est lui que l’on acclame, à la fin de la proclamation : Acclamons la Parole de Dieu. Et nous répondons : Louange à toi, Seigneur Jésus.
– Après l’apport des dons et avant la consécration. Le pain et le vin, sacrement de la présence du Christ ressuscité.
– Et enfin, avant la bénédiction et l’envoi du peuple réuni. Le Christ nous précède en Galilée. Son Esprit agit dans le cœur de tout homme et nous sommes envoyés pour en reconnaitre la présence, lever le voile sur ce trésor enfoui dans le cœur de chaque personne.
L’Eucharistie, sacrement de communion
Sur la croix, le lien unique entre Jésus et son Père n’est pas rompu ; il est transfiguré. Jésus nous prend avec lui dans le don qu’il fait de sa vie et nous fait entrer dans la relation nouvelle qui l’unit à son Père. Chaque Eucharistie est plongée dans la tendresse du Père, nous unissant étroitement à Lui.
Du coup, toutes nos relations en sont transformées. Sur la croix, Jésus nous donne les uns aux autres comme frères et sœurs, de la même famille.
Cela veut dire que la communion avec Dieu n’est réelle que si elle ouvre à une communion plus vraie, elle aussi, avec les frères et sœurs que je ne choisis pas et qui me sont donnés à aimer.
Demandons-nous de quelle manière l’Eucharistie transforme nos relations, nous ouvre aux autres différents, faisant d’eux non plus des étrangers mais des frères et des sœurs.
L’Eucharistie, puissance de transformation
Il ne faut jamais dissocier l’Eucharistie de la vie, la mort et la résurrection de Jésus. Chaque Eucharistie actualise et nous associe au don que Jésus fait de sa vie.
Lorsque Jésus, après avoir prit le pain pour le bénir et rendre grâce puis le rompre et le donner à ses disciples, leur dit : « Vous ferez cela en mémoire de moi », il ne leur dit pas simplement de copier ce qu’il vient de faire, de répéter ses gestes et ses paroles. Il les invite, il nous invite, à entrer dans la dynamique profonde de toute sa vie, une existence reçue et donnée afin que tous aient la vie, une vie en plénitude. Chaque Eucharistie nous associe à son projet d’amour pour l’humanité.
Chaque Eucharistie est donc accueil et célébration du Christ ressuscité qui se donne à nous, mais aussi pain pour la route de ses disciples appelés à leur tour à donner leur vie.
Demandons la grâce de nous laisser transformer par l’Eucharistie que nous vivons, qu’elle nous fasse entrer dans la dynamique amoureuse du Christ pour toute l’humanité.
Frère Nicolas Morin