Homélie du dimanche 2 mars 2025, 8ème dimanche du Temps Ordinaire – Année C, du frère Nicolas Morin

ON RECONNAIT L’ARBRE A SES FRUITS (Luc 6, 39-45)

Inutile de chercher une cohérence entre les diverses maximes de sagesse que contient ce passage de l’évangile. Luc a regroupé ici des propos que Jésus a dû prononcer en diverses circonstances. L’évangéliste nous propose l’équivalent du Sermon sur la montagne chez Matthieu. Il s’adresse aux disciples, et donc à la première communauté chrétienne… à nous !

Je voudrais m’attarder avec vous sur cette maxime populaire bien connue, que l’on trouve déjà dans l’Ancien Testament :

« Un bon arbre ne donne pas de fruit pourri ; jamais non plus un arbre qui pourrit ne donne de bon fruit. Chaque arbre, en effet, se reconnaît à son fruit. »

Toute la question est de savoir de quels fruits parle Jésus.

Souvenez-vous d’un passé pas si lointain. Nombre de communautés nouvelles exhibaient fièrement leurs nombreuses vocations et s’appuyaient précisément sur cette phrase de Jésus pour regarder de haut les « vieux » ordres religieux qui peinaient à recruter. Beaucoup avaient leurs entrées au Vatican du temps de Jean-Paul II. Que l’on pense à Marcial Maciel, le fondateur des Légionnaires du Christ, et à tant d’autres fondateurs aujourd’hui tombés de leur piédestal.

Si l’arbre était pourri jusqu’à la moelle, tous les fruits ne l’étaient pas. Ils ont su attirer de jeunes hommes ou femmes généreux. Ces communautés ont nourri des générations de chrétiens, été le lieu de nombreuses conversions. Mais combien d’autres personnes ont vu leur vie détruite ? Jésus ne dit-il pas également cette parole si dérangeante : « Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes et qu’on le jette à la mer ! » (Marc 9,42).

Alors, je repose la question : de quels fruits parle Jésus ? Est-ce la prospérité vantée par les évangélistes qui ont porté Donald Trump au pouvoir ?

Encore une fois, c’est vers Jésus lui-même qu’il faut se tourner. N’est-il pas ce bon arbre qui donne de bons fruits ? Ce n’est pourtant pas ce que pensaient nombre de ses contemporains, tous ceux qui l’ont cloué à l’arbre de la croix. Cette fin dégradante, ignominieuse, était justement la preuve que Jésus n’était qu’un usurpateur. Qui oserait parler de la croix comme d’un fruit savoureux ?

Jésus vient renverser toutes nos évidences. Il joue avec nous à « qui perd gagne » ! « Qui perd sa vie à cause de moi et de l’évangile la sauvera » (Marc 8,34).

En fait, Jésus nous invite à nous détacher du désir de porter du fruit. Lui seul connaît les fruits que nous portons ou pas. Si nous sommes l’arbre, il en est la sève. « En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire (Jean 15,5). Nous devons simplement nous laisser irriguer pas la sève de l’Esprit Saint. C’est lui et lui seul qui nous donnera de porter du fruit.

Pour terminer, relisons ce passage de saint Paul si important pour notre vie chrétienne : « Voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi. (…) Puisque l’Esprit nous fait vivre, marchons sous la conduite de l’Esprit. Ne cherchons pas la vaine gloire ; entre nous, pas de provocation, pas d’envie les uns à l’égard des autres » (Galates 5, 22-26).

Mercredi, nous commencerons cette longue marche vers Pâques. Que ce Carême soit pour chacun l’occasion de redécouvrir la grâce de notre baptême qui nous unit réellement au Christ mort et ressuscité. Alors, au matin de Pâques, nous pourrons nous exclamer avec Saint Paul : « Rendons grâce à Dieu qui nous donne la victoire par Jésus-Christ, notre Seigneur. »

Frère Nicolas Morin

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