« Donne-nous de siéger… dans ta gloire »
Voici donc un Evangile qui est en même temps si humain et si révolutionnaire. Si on en tirait toutes les conséquences on vivrait dans une autre société, dans d’autres communautés, et même dans une autre Eglise. Je vais donc me contenter de quelques réflexions qui me viennent à partir de la lecture de ce texte.
D’abord je voudrais dire merci à la mère de Zébédée d’avoir enfanté de tels fils avec leurs rêves de gloire. Les exégètes nous disent que c’est Marc qui a écarté la mention de la mère pour mieux faire ressortir la réponse de Jésus. Et donc dans l’Evangile de Saint Matthieu ce ne sont pas Jacques et Jean qui ont les rêves de gloire mais la mère ! Elle devait être une sacrée « Mama » qui devait tout régir. Elle ne dira pas comme ses fils : « Accorde –nous de siéger, l’un à droite et l’autre à gauche, dans ta gloire. » Mais « ordonne que mes deux fils siègent l’un à ta droite et l’autre à ta gauche » (Mt.20 21) Elle avait de l’ambition pour ses fils ! Toujours est-il, que ce soit la mère ou les fils, les rêves de gloire sommeillent en nous tous !
Et Jésus va se servir de cette demande incongrue pour lever un peu plus le voile sur sa personne. Bien sûr avec des paroles énigmatiques : « La coupe que je vais boire. » « Le baptême dans lequel je vais être plongé. » Heureuse demande qui va permettre d’en dire plus. Heureuse faute qui nous a valu un tel Rédempteur !
Ce sera l’occasion pour Jésus de parler du pouvoir : « …Les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur…Car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir. » Jésus va théâtraliser ses paroles le Jeudi-Saint. Geste inouï de l’agenouillement de Dieu, d’un Dieu à ras du sol. Le Maître a lavé les pieds de ses disciples en se comportant comme l’esclave de tous. Lui qui pourtant enseignait et agissait avec autorité. (c.à.d. faire croître, faire grandir) Celui qui, de toute éternité, a la vraie autorité s’abaisse pour faire croître l’autre, faire grandir la vie. Le message de ce dimanche est une vraie Bonne Nouvelle pour le monde où pullulent les abus de pouvoir.
Je ferais ici deux rêves insensés. Le premier rêve : Que celui qui a autorité dans l’Eglise après son mandat retourne dans le peuple pour exercer un ministère tout simple. Un peu comme Saint François à la fin de sa vie qui voulait reprendre le service des Lépreux. C’est un retour au peuple le plus abîmé.
Le deuxième rêve est encore plus insensé, mais il voudrait s’inscrire dans celui du Serviteur qui a donné sa vie pour la multitude. La Parole du Christ la plus forte est le silence de la croix. Ne parle-t-on pas de trop dans l’Eglise ? Que de papiers et de discours ne recevons nous pas !
Le drame c’est que la parole n’est plus écoutée par nos contemporains car on a beaucoup trop répété, commenté, réglementé, légiféré. Ne faudrait-il pas rentrer dans une sobriété de la parole. Ne pas trop parler ce n’est pas se taire mais parler juste. Ne pas trop parler demande d’entrer dans une longue durée de l’écoute. Je rêve donc d’une Eglise qui rentre davantage dans une longue écoute de la complexité du monde et qui propose des balises, des critères de discernement, des orientations d’action. Le reste est affaire de conscience et de liberté intérieure car nos contemporains veulent du Sens et refuse de plus en plus la pensée culpabilisante et normative. « Ne parlez pas tellement, mais parlez par toute votre vie » (Pape François)
« La vérité est moins dans la parole que dans les yeux, les mains et le silence ». (Christian Bobin)
Frère Max de Wasseige