Homélie du dimanche 22 janvier 2023, 3ème dimanche du Temps Ordinaire – Année A

« Suivez-moi et je ferai de vous des pêcheurs d’hommes »

L’Évangile d’aujourd’hui commence par une note dramatique : la mort violente de Jean-Baptiste, décapité. Ainsi, dès le début de sa mission, Jésus peut en mesurer les risques. La Passion se profile déjà.

Devant le choc de la mort de son cousin, Jésus aurait pu se replier sur lui-même, rester à Nazareth où il est connu et apprécié de tous, ou bien rejoindre un des nombreux mouvements de guérilla répondant à la violence par la violence.

La réponse de Jésus est surprenante, impensable même pour un juif pieux de l’époque : il choisit de débuter sa mission en Galilée. À travers la Galilée court une voie romaine qui relie le Lac de Tibériade aux autres provinces. Et vous savez bien que les grandes voies de communication brassent une foule de gens de tous pays, races, langues et religions. Pour risquer une comparaison, la Galilée, c’est le métro parisien aux heures de pointe. Jésus ne choisit pas Versailles ou Neuilly mais plutôt Chatelet-les Halles ou Gare de Lyon !!!

Pourquoi ce choix de Jésus est-il si important aujourd’hui ? En quoi nous concerne-t-il ?

J’entends souvent des chrétiens exprimer leur trouble devant l’effacement extrêmement rapide de la mémoire chrétienne de la société. Ils se sentent agressés et blessés dans leur foi face à des comportements moraux opposés à leurs convictions profondes.

Sans compter l’irruption dans l’espace public d’autres religions, et parmi elles l’Islam, qui réveille en nous des craintes liées à un passé douloureux.

Face à ces bouleversements, nous pourrions nous replier sur nous-mêmes, former de petites communautés chaleureuses et sécurisantes – et nous en avons parfois besoin. Nous pourrions également prendre les armes et commencer une nouvelle croisade pour défendre nos « valeurs ».

Ce n’est pas le choix de Jésus. Il se rend au cœur de ce monde en recherche, un monde qui dit sa soif de sens même s’il se fourvoie souvent dans des voies sans issue. Jésus ne s’arrête jamais aux comportements extérieurs. Il parle au cœur. Il sait révéler à tout homme sa soif profonde et il l’invite à dégager la source qui est en lui. C’est cela, se convertir : retrouver la source de vie en soi, la laisser jaillir et transformer nos vies.

 Ce qu’il y a de plus étonnant encore chez Jésus, c’est qu’il a l’audace de nous appeler. Pas un instant, il ne doute de notre capacité à le suivre pour partager sa mission.

J’avais quinze ans quand j’ai entendu cet évangile pour la première fois. Ou du moins je l’avais entendu des dizaines de fois sans qu’il me touche vraiment. Et ce jour-là, c’était à Reims au cours d’un rassemblement du MEJ, Jésus me disait : « Nicolas, suis-moi ». Cet appel avait résonné tellement fort que je ne comprenais pas pourquoi les autres jeunes autour de moi ne l’avaient pas entendu eux aussi.

Aujourd’hui, je reste avec ma question. Pourquoi l’Évangile parle-t-il si fort au cœur de certains et pas à d’autres. Pourquoi la rencontre de Jésus qui a bouleversé ma vie semble fade et sans intérêt à d’autres ?

À toi qui me lis, je t’invite à prier l’évangile de ce jour en remplaçant le prénom de Pierre par ton propre prénom. Tu peux aussi en faire une prière de couple et y mettre vos deux prénoms, et pourquoi pas ceux des enfants.

Et si nous prenions le risque de nous laisser appeler ?

Il faut bien avouer que laisser notre filet et notre barque, ça nous fait un peu peur. Nous aimons l’aventure, mais dans les limites d’un voyage organisé avec toutes les assurances nécessaires !

Regardons de plus près ce que demande Jésus : « Venez derrière-moi et je vous ferai pêcheurs d’hommes. » Jésus ne dit pas : « Vous êtes pêcheurs, et bien vous serez menuisiers ou rabbins… » Jésus appelle les hommes avec ce qu’ils sont. Il respecte leur identité profonde. Ces hommes sont pêcheurs, ils resteront pêcheurs. Il n’y a qu’à regarder le parcours de Pierre pour s’assurer que les hommes qui suivent Jésus ne renient en rien leur personnalité !

Lorsqu’il nous appelle, Jésus révèle en nous des capacités, des ressources insoupçonnées, et ils les réorientent vers la vie : « Avec ce que tu es, nous dit Jésus, tu es capable de transmettre la vie. »

Ce que nous laissons sur le rivage pour suivre Jésus, c’est ce qui nous cloue au sol, ce qui nous paralyse : nos peurs, nos petites habitudes, nos fausses sécurités, notre péché.

Jésus croit assez en chacun de nous pour nous inviter à la conversion. Et se convertir, ce n’est pas vouloir se changer soi-même, ni même atteindre la perfection, c’est se laisser regarder et appeler par Jésus. C’est nous mettre debout à sa suite, devenir à notre tour des apôtres, des collaborateurs de Jésus.

La Galilée, c’est notre monde tel qu’il est. Et Jésus nous dit aujourd’hui : « Suivez-moi et je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. »

Frère Nicolas Morin

blank

Connexion