Homélie du dimanche 22 octobre 2023, 29ème dimanche du Temps Ordinaire – Année A

« RENDEZ A CÉSAR CE QUI EST A CÉSAR ET A DIEU CE QUI EST A DIEU »

La phrase de Jésus « rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » est une des plus célèbre de l’évangile. Est-elle pour autant bien comprise ?

Le passage d’Isaïe 45, 1-6 et le psaume 95 nous donnent une clé de compréhension de l’évangile de ce dimanche.

Après le règne sans partage et sanguinaire du roi assyrien Nabuchodonosor qui avait envahi Jérusalem, détruit le Temple et déporté le peuple, la dynastie est renversée et le roi Cyrus arrive au pouvoir. Et c’est ce roi païen, étranger, qui non seulement va libérer le peuple hébreu et lui permettre de regagner sa terre mais, en plus, va lui donner les moyens de reconstruire le Temple. Cyrus a servi les desseins de Dieu bien plus fidèlement que la plupart des rois juifs corrompus et assoiffés de pouvoir.

Quelle relecture va faire le peuple de cet évènement ? Le Grand Roi, le seul habilité à régner sur son peuple, le seul Juste, c’est Dieu lui-même. D’ailleurs, à sa création, le peuple hébreu n’avait pas de roi afin de laisser à Dieu toute sa place.

Par la suite, les rois recevront des mains du prophète l’onction royale qui signifie l’origine de leur pouvoir. Le roi n’est qu’un « lieu-tenant » de Dieu. Il doit régner à la manière de Dieu qui fait justice aux opprimés et vient en aide aux veuves et aux orphelins.

Hélas, les rois vont vite oublier de qui ils reçoivent leur pouvoir. Ils vont même trahir le sens de l’onction royale, s’appuyant sur elle pour justifier leur pouvoir despotique. D’où l’appel puissant du psaume 95 :

« Rendez aux Seigneur la gloire et la puissance,

Rendez au Seigneur la gloire de son nom ! »

Jésus ne remet pas en cause le pouvoir de l’empereur, il le remet à sa juste place. L’empereur ne serait rien s’il ne recevait son pouvoir de Dieu ; il est au service du projet de Dieu pour sa Création.

Tout pouvoir coupé de son origine devient une idolâtrie, un pouvoir fermé sur lui-même, qui n’a d’autre but que de se perpétuer. C’est ce pouvoir, à proprement parler insensé, qui engendre les guerres, les injustices, les catastrophes climatiques… Les multiples crises que nous traversons sont le signe que nous avons perdu notre boussole ; nous nous sommes institués seuls maîtres à bord, grisés par notre liberté. Nous avons abandonné le Dieu Créateur pour nous prosterner devant l’idole du progrès et ce que le pape François appelle le « paradigme technocratique ». Au lieu d’écouter le cri de la terre, d’entendre l’appel à changer radicalement notre regard sur la vie, nous préférons croire que la seule technique va pouvoir solutionner tous les problèmes.

Dans son exhortation apostolique Laudate deum, le pape dénonce en termes très forts cet aveuglement collectif et il invite la société civile à faire pression sur ceux qui détiennent le pouvoir et qui n’ont aucun intérêt à ce que le système change. Ecoutons-le :

« Aux puissants, j’ose répéter cette question : « Pourquoi veut-on préserver aujourd’hui un pouvoir qui laissera le souvenir de son incapacité à intervenir lorsqu’il était urgent et nécessaire de le faire ? »

« Finissons-en une bonne fois avec les moqueries irresponsables qui présentent ce sujet comme étant uniquement environnemental, “vert”, romantique, souvent ridiculisé par des intérêts économiques. .Acceptons enfin qu’il s’agit d’un problème humain et social aux multiples aspects. C’est pourquoi le soutien de tous est nécessaire. Lors des Conférences sur le climat, les actions de groupes fustigés comme “radicalisés” attirent souvent l’attention. Mais ils comblent un vide de la société dans son ensemble qui devrait exercer une saine “pression” ; car toute famille doit penser que l’avenir de ses enfants est en jeu. » (58)

Et le pape de conclure ainsi : « Louez Dieu » est le nom de cette lettre. Parce qu’un être humain qui prétend prendre la place de Dieu devient le pire danger pour lui-même.

Frère Nicolas Morin

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