Homélie du dimanche 22 septembre 2024, 25ème dimanche du temps ordinaire – Année  B, du frère Nicolas Morin

TROUVER SA JUSTE PLACE

« De quoi discutiez-vous en chemin ? », demande Jésus à ses disciples.

« Ils se taisaient, car, en chemin, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand. » Dans un texte parallèle de l’évangile selon Matthieu, la mère des fils de Zébédée demande à Jésus : « Ordonne que mes deux fils que voici siègent, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ton Royaume. » Autrement dit : use de ton influence pour leur donner la place qu’ils méritent.

La question de la place est centrale dans notre vie. Avoir une place, tenir sa place, c’est être en sécurité physique et affective. Combien d’enfants souffrent de ne pas avoir leur place dans le cœur de leurs parents, ou dans la fratrie.

Avant d’aborder une nouvelle année scolaire, l’enfant se demande avec appréhension s’il trouvera sa place dans la classe, s’il sera accueilli, reconnu, accepté. Nous-mêmes avons cette même appréhension quand nous rejoignons un nouveau travail, une association, une communauté… Plusieurs d’entre vous me disaient qu’en arrivant à Besançon, ils avaient fait le tour de plusieurs églises avant de trouver leur place à la Chapelle des Buis, attirés par l’accueil fraternel.

Nous aspirons tous à ces lieux qui nous autorisent à être simplement nous-même, sans artifice, sans peur d’être jugés.

Malheureusement, quel que soit le groupe ou la nation, le réflexe premier est de se définir en opposition, comme si ma place était mise en danger par la place revendiquée par d’autres. C’est lui ou moi. Nous dressons des murs entre ceux du dedans, qui nous ressemblent, et les autres, qui représentent une menace.

La question de la place traverse toute la Bible, depuis Caïn et Abel. Caïn ne supporte pas la supposée préférence de son père pour Abel. Il est spolié de sa place d’aîné de la famille. Son cœur est alors contaminé par la jalousie, qui elle-même engendre la violence, jusqu’à la mise à mort de son propre frère devenu un ennemi. C’est la spirale que dénonce l’épitre de Jacques ce dimanche. Jalousie et cupidité sont à la racine des guerres.

En écrivant ces lignes, je pense à mes amis qui vivent dans l’Est de la RDC, en proie à toutes les convoitises. Ce pays a le malheur d’être trop riche ! Les multinationales accaparent ses ressources naturelles, et le Rwanda voisin essaie de mettre la main sur ce territoire en armant des milices… Chacun veut sa part du gâteau. Et les pauvres sont toujours perdants, qui se retrouvent au cœur des conflits, nus, sans défense et sans voix.

Cette question de la place est au cœur de la vie et de la mission de Jésus. Il y répond d’une manière déroutante, inattendue, scandaleuse.

Jésus naît en exil, dans la pauvreté d’une crèche, au milieu des bergers, ces hommes marginaux et méprisés. En prenant place au milieu d’eux, il leur redonne leur dignité. Dieu vient à eux et les voilà qui se retrouvent à la première place, eux les bénis de Dieu, les premiers bénéficiaires de la miséricorde divine.

Quittant la sécurité de Nazareth, Jésus n’aura de cesse de rejoindre ces hommes et ces femmes en marge, qui n’ont leur place ni dans la société, ni même dans la religion : les infirmes, les malades, les prostituées, les pécheurs publics…

Jésus se laisse toucher par eux et n’a pas peur de les étreindre, les réconciliant avec eux-mêmes autant qu’avec Dieu, ce Père plein de tendresse et de miséricorde.

Le geste du lavement des pieds sera comme le résumé de toute la vie de Jésus. Il est le testament qu’il nous laisse en héritage. « Si donc moi, le Seigneur et le maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, lavez-vous les pieds les uns les autres. »

Le choix de la dernière place conduira Jésus à ne pas fuir la crucifixion, ce châtiment réservé aux maudits. Jésus descendra jusque dans nos enfers afin de nous faire passer avec lui des ténèbres à la lumière, de la mort à la résurrection.

C’est ce même chemin que Jésus nous invite à emprunter, avec lui, derrière lui, en érigeant l’enfant comme le signe et l’image de sa présence. L’enfant, au temps de Jésus, ne compte pas. Sa place est avec les femmes. Il est une bouche inutile alors qu’il ne peut pas encore travailler. L’enfant est le symbole de tous ceux qui sont marginalisés dans la société et dans l’Église, tous ceux qui n’ont pas la parole.

Et Jésus affirme tranquillement : « Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. »

Si tu veux me trouver, dit Jésus, commence par te faire proche de tous ceux qui, à l’image de l’enfant, sont méprisés, invisibles, rejetés. Ils sont sacrements de ma présence, chemin vers le Père.

Frère Nicolas Morin

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