Homélie du dimanche 25 février 2024 du frère Nicolas Morin

2ème dimanche de Carême  — Année B

LA TRANSFIGURATION

Au début de son ministère, tout va plutôt bien pour Jésus. Les foules accourent autour de lui, attirées par sa réputation et les nombreux miracles qu’il opère. Mais bien vite, l’hostilité grandit. Pour les disciples, qui l’ont suivi depuis le jour de son baptême au Jourdain, c’est le désappointement : est-il bien le Messie qu’on attendait ? D’autant plus que Jésus commence à les préparer à des jours difficiles. « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup. Les anciens, les chefs des prêtres et les maîtres de la loi le rejetteront. Il sera mis à mort, et après trois jours, il ressuscitera. » Et Jésus d’enfoncer le clou : « Si quelqu’un veut venir derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. »

C’est dans ce contexte qu’a lieu la Transfiguration. Cette fête nous révèle que Passion et Résurrection sont les deux facettes d’une même réalité. En traversant la souffrance et la mort, Jésus les illumine de sa présence. La vie est semée en nous pour toujours. Nous sommes nés pour l’immortalité. Ni la souffrance, ni la mort ne peuvent rompre le lien filial tissé entre Dieu et nous.

La Transfiguration de l’homme advient précisément lorsqu’on reconnaît en Jésus le Fils. « Ecoutez-le », c’est-à-dire accueillez-le, recevez-le, faites ce qu’il vous dit, laissez-vous façonner, vous configurer à lui car il est le sommet de la divinisation de l’homme proposée par le Père : il nous invite à vivre en lui comme il est dans le Père et le Père est en lui.

La scène se passe « sur une haute montagne ». Le Mont Thabor est plus une colline qu’une montagne mais l’évangéliste fait référence ici à une autre montagne, le Mont Sinaï, où Dieu se révéla à Moïse du milieu de la nuée et lui fait don des tables de la loi. Ce clin d’œil à Moïse suggère que Jésus est le nouveau Moïse qui nous donne la Loi nouvelle.

Moïse, justement, se tient aux côtés de Jésus sur la montagne avec Élie. Élie est la figure des prophètes de l’Ancien Testament. Il vient attester que Jésus est bien le Messie annoncé par tous les prophètes.

« Jésus fut transfiguré ». Être transfiguré, c’est être métamorphosé, transformé, changer de figure, de visage, rayonner. Le mot évoque également la traversée, comme si les disciples devenaient capables de traverser le visage connu de Jésus pour voir vraiment, au-delà des apparences, la réalité de l’identité de Jésus.

« Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille. » Cette blancheur resplendissante, dans la Bible, est signe de la manifestation divine. Le Christ ressuscité rayonnera de cette même blancheur.

« Dans la nuée du ciel, une voix se fit entendre. » La nuée est un autre signe de la manifestation de Dieu. Dieu se donne toujours à voir de manière voilée. Personne ne peut prétendre enfermer Dieu dans une image ou une définition.

Que dit cette voix ? « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Ecoutez-le ! »

Cela ne vous rappelle rien ? Le jour du baptême de Jésus, le ciel se déchire et l’on entend cette même voix dire : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. En lui j’ai mis tout mon amour. »

En Jésus, la frontière entre la terre et le ciel, entre un Dieu Tout Puissant et lointain et des hommes livrés à eux-mêmes, est abolie. En lui se révèle l’indicible proximité de Dieu et notre identité profonde : nous sommes unis à Dieu par des liens que personne ne pourra jamais couper : nous sommes les filles et les fils bien-aimés du Père.

L’unique mission de Jésus est de nous révéler la profondeur et la richesse de ce lien.

Il vient offrir à tout homme la chance d’une réconciliation profonde, celle de se découvrir aimé du Père au-delà de notre péché, au-delà même de la mort terrestre. C’est aussi une réconciliation sociale, où le plus petit, l’exclu, le rejeté, retrouve sa place au sein de la communauté. En chaque homme, Jésus reconnaît un frère.

Le dernier mot de Jésus sur la croix sera ; « Père entre tes mains, je remets mon esprit. » Père… La réponse de Jésus à la déclaration d’amour de son Père le jour de son baptême, c’est de faire de sa vie une offrande d’amour, dans la confiance totale au Père, origine et source de toute vie.

Être chrétien, c’est vivre et témoigner du lien filial que Dieu propose à tout homme. Il y a en chacun de nous un lieu inviolable, inatteignable, indestructible. C’est le lieu où je me reçois comme un fils unique, aimé depuis le premier jour. Jésus invite chacun à vivre une transfiguration. Être transfiguré c’est découvrir notre véritable identité qui a sa source en Dieu seul.

Jésus nous invite à prendre conscience d’un lien que ni la souffrance, ni la mort, ne pourront entamer.

Etre disciple, être à l’écoute, c’est s’engager à vivre et à faire vivre ce lien en le faisant découvrir à ceux qui pensent en être exclus.

Que le Seigneur nous donne la grâce de découvrir notre vrai visage, ce visage transfiguré par son amour…

Frère Nicolas Morin

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