POUR VOUS, QUI SUIS-JE ?
« Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » La question n’est pas anodine. Jésus la pose à ses disciples alors qu’il monte à Jérusalem où il sera arrêté, injustement condamné, crucifié. Jérusalem, le lieu du don absolu de sa vie, lieu du passage de la mort à la vie.
Derrière la question de Jésus s’en profile une autre : jusqu’où êtes-vous prêts à me suivre ? Jusqu’où allez-vous me faire confiance ?
« Pour vous, qui suis-je ? »
Répondre à la question de Jésus n’est pas facile. Parce que notre réponse nous engage. Elle engage même toute notre vie si nous voulons être cohérents avec nous-mêmes. Ne nous pressons pas de donner une réponse toute faite. Jésus ne nous demande pas de réciter notre catéchisme mais de nous situer face à lui.
Laissons la question de Jésus retentir au plus profond de nos cœurs. C’est avec une infinie tendresse qu’il la pose à ses disciples. Ils partagent tout depuis trois ans. Jésus a eu le temps de mesurer leur engagement, leur attachement vrai et sincère envers lui. Mais il connaît aussi leurs faiblesses et leurs peurs. Il sait par quels combats ses disciples devront passer. Parce que ce seront aussi ses propres combats.
Peut-être y a-t-il une discrète supplique derrière la question de Jésus : « Allez-vous me lâcher, vous aussi, au moment le plus critique pour moi, alors que j’ai tant besoin de compagnons fidèles à mes côtés ? »
Pierre, si prompt à répondre, si heureux d’être conforté par Jésus dans sa mission, fera l’amère expérience de sa faiblesse. Il reniera Jésus au moment où son ami aurait eu tant besoin de lui.
Au matin de la résurrection, le maître et le disciple se retrouveront face-à-face. Et Jésus posera une autre question ‒ mais est-elle si différente ? ‒ « Pierre, m’aimes-tu ? » ‒ « Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime. » ‒ « Suis-moi ! »
Sans doute ne peut-on répondre à la question de Jésus qu’après avoir touché le fond de notre misère, de notre incapacité radicale à aimer Jésus et à le suivre.
Si Jésus nous pose la question, ce n’est pas pour nous mettre en difficulté. Au contraire, par le don de son Esprit, il nous rend capable d’y répondre par toute notre vie.
« Pour vous, qui suis-je ? Pour toi, qui suis-je ? »
Ce matin, Seigneur Jésus, je laisse retentir en moi ta question.
La réponse me fait peur tant elle engage ma vie.
Et pourtant, au fond de moi-même, j’ai envie de te dire, comme Pierre :
« Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. »
Tu es pour moi le grand frère à qui j’aimerais tant ressembler.
Je contemple en toi le visage de celui que je suis appelé à devenir.
Mais tu reflètes aussi un autre visage, celui du Père des cieux,
visage de tendresse et d’amour, de pauvreté et d’humilité.
Donne-moi de te suivre sans peur.
Donne-moi de refléter, à mon tour, la bonté du Père des cieux
auprès de ceux vers qui tu m’envoies. AMEN.
Frère Nicolas Morin
