Homélie du dimanche 27 février 2022 – 8ème dimanche du Temps Ordinaire – Année C

« Le disciple n’est pas au-dessus du maître ;

mais celui qui est bien formé sera comme son maître »

En préparant cette messe avec quelques personnes, nous évoquions cette société qui nous pousse souvent à jouer des personnages. Ainsi celui qui passe un entretien d’embauche et qui cherche à adopter l’image attendue par son interlocuteur. Nous dépensons une énergie folle pour correspondre à l’image idéale de nous-mêmes que nous rêvons d’atteindre ou que nous pensons que les autres attendent de nous. J’ai lu il y a peu que les hommes tendent à rattraper les femmes dans l’usage de la chirurgie esthétique, tant ils ont peur de vieillir. Certains boulots requièrent d’eux en effet de paraître toujours jeunes et dynamiques.

Nous souffrons du regard des autres mais, reconnaissons-le, nous le leur rendons bien. Nous avons une étrange satisfaction à penser que d’autres ont plus de défauts ou de carences que nous ! Malheur à ceux qui osent laisser paraître leurs faiblesses !

 Jésus vient nous libérer de cette lutte perdue d’avance pour paraître meilleurs que nous sommes. Il vient nous révéler notre personnalité profonde. Et comment la découvrir ? En le regardant, lui. Jésus est l’Homme que nous sommes appelés à devenir. Voilà pourquoi ces paraboles entendues dans l’évangile de ce dimanche sont bien plus que des paroles de sagesse. Elles nous orientent toutes vers l’unique essentiel : la connaissance de Jésus Christ.

« Le disciple n’est pas au-dessus du maître ; mais celui qui est bien formé sera comme son maître. » Voilà le cœur de notre vie et de notre vocation : devenir comme Jésus. « Celui qui veut être le plus grand sera le plus petit et le serviteur de tous. »

 Devenir comme Jésus, c’est entrer dans l’obéissance. Obéir, ce n’est pas s’écraser sous la coupe d’un plus puissant que soi. Obéir, en son sens premier, veut dire : « se mettre à l’écoute, se placer sous la parole ». Et pour nous chrétiens, nous savons que la Parole, c’est le Christ. Entrer dans l’obéissance, c’est donc humblement mettre nos pas dans les pas de Celui qui est Chemin, Vérité et Vie.

Entrer dans l’obéissance, c’est accepter de ne plus avoir entièrement prise sur nous-mêmes, et surtout sur les autres. C’est reconnaître la poutre qui nous aveugle et demander à Jésus de nous rendre la vue, afin de regarder notre vie et celle des autres avec son regard à lui.

 Le cadeau que nous fait Jésus, c’est de trouver notre juste place. C’est de consentir à ce que nous sommes aux yeux de Dieu comme aux yeux des autres. Quand un frère ronchonnait et montrait de l’amertume, saint François l’envoyait prier afin qu’il redécouvre, en contemplant le Christ, la joie de se reconnaître pécheur pardonné, aveugle guéri. François aimait à répéter : « Ce que l’homme vaut devant Dieu, voilà ce qu’il vaut en réalité, rien de plus. »

 Celui qui a trouvé sa juste place donne de bons fruits. Dans l’Evangile de Jean, Jésus nous dit : « Je suis la vigne et vous êtes les sarments. Tout sarment qui porte du fruit, mon Père l’émonde afin qu’il en porte davantage. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donnera du fruit en abondance. Sans moi, vous ne pouvez rien faire. »

Le psaume a cette très belle expression : « Vieillissant, il fructifie encore. » Des personnes me disaient qu’elles étaient parfois agacées que l’on mette toujours les jeunes au premier plan, dans la société comme dans l’Eglise, comme si les personnes plus âgées n’apportaient plus rien. « Or, disaient-elles, on passe par des épreuves qui permettent de dégager beaucoup de choses. On laisse tomber des complexes inutiles qui nous font découvrir en nous des valeurs essentielles. Le meilleur s’est dégagé. Comme ces églises où l’on enlève le noir des pierres et qui retrouvent leur beauté première. »

 Mercredi, nous commencerons cette longue marche vers Pâques. Que ce Carême soit pour chacun l’occasion de redécouvrir la grâce de notre baptême qui nous unit réellement au Christ mort et ressuscité. Alors, au matin de Pâques, nous pourrons nous exclamer avec Saint Paul : « Rendons grâce à Dieu qui nous donne la victoire par Jésus-Christ, notre Seigneur. »

Frère Nicolas Morin

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