« En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire »
Je voudrais rester sur la phrase de l’Evangile : « En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire ». Car elle me pose question. Ne puis-je pas vivre ma vie et faire ce que j’ai à faire de moi-même et par moi-même ? Je résiste ! Mais je me souviens que Robert Scholtus disaitqu’il faut « pratiquer une lecture qui laisse au texte…sa capacité de résister et d’étonner ». Car nous connaissons tous des hommes et des femmes qui ne se réclament pas du Christ se dévouant corps et âme aux plus pauvres, aux opprimés et aux laissés pour compte et qui récusent toute référence religieuse. Et pourtant ils font des choses merveilleuses. Alors comment comprendre cette parole ?
Les saints peuvent nous aider à comprendre toute la radicalité de cette parole. Eux qui ont été bouleversés et même parfois renversés sur le chemin qu’ils avaient pris. Paul renversé de son cheval par une lumière aveuglante. Et François « tout enflé de vaine gloire » recevra cette parole : « Après quoi tu cours, après le serviteur ou après le maître ? » Et après avoir compris qu’il se trompait de route, François recevra cette parole « retourne au pays qui t’a vu naître » C’est-à-dire retourne dans ton être profond, ta vocation profonde. Des Paul, des François et tant d’autres feront l’expérience que c’est dans le Christ et avec Lui et pas en dehors de lui que l’on réalise ce pour quoi on est fait sur la terre. Et c’est en Lui qu’ils recevront toute leur fécondité.
Mais il est intéressant de noter que le discours sur la vraie vigne vient à un moment pathétique. Jésus vient de dire que « Désormais, je ne m’entretiendrai plus guère avec vous, car le prince de ce monde vient » Les paroles sont donc presque un testament laissé aux disciples. Jésus se sait condamner et voudrait éviter la dispersion de ses disciples. C’est dans ce contexte qu’i faut comprendre « En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire »
Et il y a un petit mot qui revient 7 fois : « demeurer » Chiffre de la perfectionComme si Jésus avait peur qu’après son départ on ne demeure pas en Lui. Demeurer dans son amour, c’est le secret de son cœur. Il nous faut apprendre à goûter la beauté et la profondeur de ce mot et tout ce qu’il implique de recherche, de solitude et de présence de Dieu.
Et pour se faire comprendre Jésus prendra l’image de la vigne avec des harmoniques aussi riches que variées. Mais on peut se demander pourquoi Jésus s’intéresse de si près à la vigne et à son fruit ? Peut-être parce que le vin est le formidable produit de l’association du génie inventeur de l’homme et du génie créateur de Dieu ? De là vient que le vin réjouit le cœur de l’homme, il symbolise aussi la joie que Dieu attend de la coopération de l’homme et de son œuvre créatrice.
Mais comme le rappelle souvent l’Ancien Testament la vigne humaine fut loin de répondre aux attentes du Seigneur. Jésus en a fait les frais ! Et il dira à la dernière Cène « Je ne boirai plus désormais du fruit de la vigne… Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang versé pour vous » Quand on relit ce beau passage de l’Evangile : « Moi, je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron » avec en filigrane tout le récit de la Passion on en comprend toute la densité et le drame. Et l’on a envie de dire :
« Donne-moi de demeurer en toi en toute choses et en toute circonstances. Fais-moi porter le fruit que tu désires, unit mon cœur au tien et que jamais je ne sois séparé de toi ».
Frère Max de Wasseige