Il est remarquable que Jésus n’ai pas voulu faire un miracle à partir de rien comme il en était capable, après tout. Non ! Il veut nous associer à son action d’ouvrir la porte des dons divins à tous, en nous invitant au partage de tout ce que nous pouvons être ou posséder pour que personne ne souffre continuellement de manques cruels.
Au vu des signes qu’il accomplissait sur les malades, Jésus est suivi par une foule immense de personnes désireuses certainement de lui soumettre leurs problèmes, leurs souffrances, leurs maladies, leurs échecs, dans l’espoir de trouver vite la solution à leurs soucis. Mais c’est aussi une foule en attente, qui cherche son prophète, son roi, son messie. Cette foule est comme la figure de toutes les foules humaines, de tous les temps et d’aujourd’hui encore: les foules qui protestent, les foules qui luttent, les foules qui fêtent.. et ces foules immenses qui traversent les mers et les continents en quête de paix et d’une vie meilleure. Oui, la foule tient une grande place dans l’Evangile. Aujourd’hui Jésus est avec ses disciples mais c’est précisément la présence de la foule, sur laquelle il va poser son regard, qui amène la suite.
Jésus veut s’occuper des foules non seulement en les enseignant mais aussi en pourvoyant à leurs besoins matériel. Et le premier besoin physique de l’être humain c’est l’acte de manger, dont la privation est redoutée, car en arrière plan cette faim matérielle cache une dépendance, de la faiblesse et surtout la perte de dignité élémentaire. Levant les yeux sur cette foule qui est venue jusqu’à lui sur la Montagne, Jésus diagnostique que cette foule est tenaillée par la faim et qu’il faut remédier à ça tout de suite.
Suivre le Christ, se rendre présent à lui dans sa parole, dans la prière, à l’autel est toujours bénéfique. Car en nous mettant en sa présence, Jésus lève sur nous son regard bienfaisant qui lève les voiles de nos vies et nous rend en abondance la confiance. Et ce qui est touchant et très réconfortant, c’est de voir que Jésus se soucie de la faim des gens plus qu’eux mêmes. Oui, Dieu, souvent, connaît mieux nos manques que nous mêmes. Alors pourquoi ne les comble t il pas tout de suite ? Il est tellement respectueux de nous qu’il ne veut rien faire sans nous . Il attend que nous lui révélions notre manque en lui donnant notre confiance. C’est ainsi qu’il met Philippe à l’épreuve alors qu’il sait déjà ce qu’il va faire : « Où pourrions nous acheter du pain pour que cette foule ait à manger ? Philippe lui se soucie de la dépense que ça ferait d’acheter du pain pour nourrir tout le monde et il crie à la folie ! Et André qui dit bien qu’il a trouvé un jeune garçon qui a 5 pains d’orge et deux poissons termine en se lamentant « mais qu’est ce que cela pour tant de monde ! » Et bien Jésus en prenant quand même ce pauvre contenu de panier va leur montrer et nous montrer qu’il ne faut jamais minimiser nos petits moyens pour faire du bien ; C est de là que tout partira !
Un miracle peut en entraîner un autre. C’est de voir , à la demande de Jésus, par l’intermédiaire des apôtres, de faire asseoir ces cinq mille hommes, femmes et enfants, foule désorganisée, anonyme, au ventre qui crie famine et au cœur désespéré, s’installer sans contestations sur l’herbe « qui plus est » « par carrés de cinquante » précisera St Luc dans son évangile
Et Jésus va donner à cette foule le signe messianique par excellence, celui du Festin sur la Montagne évoqué par Isaïe : » Yahvé préparera pour tous les peuples, sur cette montagne de Jérusalem un festin de viandes grasses et de bon vin. » ; Sommes nous aujourd’hui, en chemin vers Celui qui nous attends sur la montagne, lieu d’abondance de la rencontre de Dieu ?
Jésus prends les pains, et après avoir rendu grâce les distribue aux convives . Là, La foule assise vient de changer de statut et de dimension :.chacun devient convive Le miracle de la fraction du pain devient signe et annonce d’une Présence qui les invite à sa table. Tout comme pour les 2 apôtres à l’auberge d’Emmaüs : ils reconnurent Jésus à la fraction du pain. Et comme il y a du surplus, douze paniers, signe de la plénitude et attestant la parole de Jésus » Je suis venu vous donner la vie et la vie en abondance » Jésus demande de ramasser les morceaux restant, pour que rien ne soit perdu . Ce jour là, Jésus n’a pas seulement rompu le pain pour une foule mais pour tous les hommes à venir dont nous sommes . Dans les douze corbeilles de surplus de pain et poissons nous puisons encore à chacune de nos eucharisties.
Nous ne sommes pas une foule mais nous sommes quand même aujourd’hui les convives au repas du Seigneur. Nous sommes des femmes et des hommes en attente. Jésus qui nous couve toujours de son regard quand nous sommes devant lui connaît notre faim d’aujourd’hui. Mais il attend que nous la nommions et que l’on dise ce que nous lui apportons, matériellement ou spirituellement, pour nous aider. Quels sont aujourd’hui nos cinq pains et nos deux poissons ?
En mettant en commun ce dont nous disposons, si petit soit il, le Christ lui même qui nous rassemble se charge de compléter ce qui manque à la réalisation de nos projets de soutien, de relèvement des personnes abattues par la misère. Le pain multiplié aujourd’hui, et qui n’empêchera pas d’avoir faim demain, est le signe de ce Pain de vie que Jésus, sagesse de Dieu est lui même. Mais pour avoir faim de ce pain là, il ne faut être complètement gavé par l’autre, le pain matériel. Il faut orienter nos désirs vers leur véritable accomplissement. Et c’est Jésus qui nous montre la voie : ma nourriture c’est de faire la volonté de mon Père.
Gérard Barthe diacre