Homélie du dimanche 28 mai 2023, Pentecôte – Année A

PENTECOTE

AUJOURD’HUI, TOUT COMMENCE

L’Église primitive naît sur des ruines. Rien d’étonnant à cela. Jésus n’avait-il pas dit : « Détruisez ce Temple et en trois jours je le relèverai » ? Qu’est-il donc détruit dans la vie et dans le cœur des disciples en ces jours de la Passion/Résurrection de Jésus ?

– Sans doute l’espoir d’une Église triomphante dans laquelle, eux, les disciples, occuperaient les premières places.

– Mais aussi les dernières illusions qu’ils avaient sur eux-mêmes, sur leur capacité à suivre Jésus et à lui être fidèle.

On comprend alors pourquoi, la Pentecôte n’a pas surgi de suite dans la vie des disciples. Il leur a fallu consentir au temps, à l’attente. Cinquante jours.

Parce qu’il faut du temps pour accepter de mourir aux fausses images du Sauveur, mais aussi à l’image idéalisée de soi-même. Consentir à laisser tomber les murs de nos fausses sécurités pour se découvrir libres, enfin libres de faire du Christ humble et pauvre notre vraie richesse, mettre en lui notre confiance et notre fierté.

Persécutés, les premiers chrétiens vont devoir fuir Jérusalem. Durant trois siècles, ils vont vivre dans une extrême précarité. Et pourtant leur foi vive, ardente, incandescente, rayonne. Jusqu’au jour où l’empereur lui-même se convertit et décrète le Christianisme religion d’État. On commence à construire de magnifiques cathédrales, les chrétiens ont pignon sur rue, leurs évêques sont des notables, mais qu’en est-il de la sève évangélique ?

Heureusement, Dieu veille ! Des crises régulières, intérieures ou extérieures à l’Église, viennent la bousculer. L’Eglise doit sans cesse renaître de ses ruines.

N’ayons pas peur de cette crise violente qui traverse l’Eglise. Nous avons essayé durant des années de maintenir coûte que coûte une belle façade, un bâtiment témoin, cherchant à cacher les lézardes fragilisant toute la construction. Ce n’est plus possible ! Ne cherchons surtout pas à reconstruire à l’identique ! Saisissons la chance qui nous est donnée de goûter la joie des commencements. Parce que c’est quand tout s’écroule qu’apparaît l’essentiel. Notre pauvreté consentie est ouverture au don de l’Esprit qui vient faire toutes choses nouvelles. La Pentecôte est promesse d’une nouvelle naissance, dans l’eau et l’Esprit.

Trois signes accompagnent l’effusion de L’Esprit :

Le vent qui vient tout ébranler. Il nous rappelle le souffle qui planait sur le chaos primordial avant que la parole ne surgisse et donne vie. Mais aussi le dernier souffle de Jésus sur la croix : « Père, entre tes mains, je remets mon esprit. » Le chaos, la mort… Et pourtant, tout commence. A condition de se laisser ébranler, bousculer, déplacer par l’Esprit, parfois violent coup de vent, parfois souffle si ténu que l’on à peine à le reconnaître.

Deuxième signe, le feu. Ces hommes sont embrasés par la présence divine. Cela me fait penser à ce vieux moine à qui je demandai ce qu’était la prière pour lui. Se frappant la poitrine, il me dit simplement : « Ça brûle là ! » Comme le buisson dans le désert qui brûlait sans se consumer, nous sommes appelés à nous laisser embraser par le feu de l’Esprit.

Troisième signe : chacun parlait selon de don de l’Esprit. L’Evangile n’est pas une doctrine, un corpus de vérités à croire, mais il rejoint chaque personne dans la singularité de sa vie. Chacun doit entendre et accueillir l’Esprit dans sa propre langue. L’Esprit est offert à tous, sans exception. Il n’y a pas de peuple de purs, séparé du reste des hommes, pas plus qu’il n’y a d’élite dans l’Eglise qui aurait une plus grande part de l’Esprit.

Il n’y a pas non plus de langue sacrée. La langue de l’Esprit n’est ni le grec ni le latin ! C’est le langage de l’amour, de la communion fraternelle, de cet élan qui nous pousse vers l’autre pour partager la joie de croire. Et ce langage là est universel. Chacun peut le comprendre dans sa propre langue.

Frère et sœurs, l’Esprit nous est donné en ce jour de Pentecôte, promesse d’une nouvelle naissance. De même que les parents se penchant sur le berceau du nouveau-né se demandent ce qu’il adviendra de cet enfant, nous nous demandons ce qui va naître de la crise multiforme que nous traversons. Mais nous pouvons apprendre de notre histoire. Les plus grands saints ont été donnés à l’Eglise aux heures les plus sombres de son histoire. Nous pouvons surtout nous appuyer sur la promesse de Jésus : « N’ayez pas peur, je suis vainqueur du monde. » Et Jésus ne ment pas. Il fait ce qu’il dit.

Esprit Saint, souffle de l’Amour, donne-nous de respirer par toi, en toi.

Que le feu de ton Amour brûle en nous tout ce qui ne vient pas de toi.

Purifie-nous.

Rends-nous la liberté des enfants.

Donne-nous un cœur simple rempli de bonté.

Entraîne-nous toujours plus loin dans la pureté de l’Amour.

Qu’à travers nous nos frères reconnaissent que Toi, ô Dieu Trinité, Tu les aimes !

Frère Nicolas Morin

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