BAPTÊME DE JESUS
Alors que bien des hommes rêvent aujourd’hui de créer un « buzz » planétaire qui les rendrait célèbres dans le monde entier en quelques heures, Jésus est l’anti-héros par excellence. Il ne cherche pas à se distinguer. Au contraire, il vient se fondre dans la masse, solidaire de ce peuple qui se presse au bord du Jourdain afin de se faire baptiser par Jean.
Ces hommes et ces femmes représentent toute l’attente de l’humanité en quête de Salut. Auprès de Jean-Baptiste, ils viennent chercher une vie nouvelle, lavée de leurs péchés, de tous ces liens qui les empêchent de vivre en hommes libres, en Alliance avec Dieu et avec leurs frères. Et Jésus communie profondément à cette attente. Mieux : il la fait sienne.
Arrive son tour, et c’est le face à face avec son cousin Jean le baptiseur. Les deux cousins se connaissent, bien sûr. Mais Jésus est encore l’obscur charpentier de Nazareth tandis que Jean est déjà célèbre. On le rejoint de loin dans le désert pour l’écouter annoncer la venue du Messie et prêcher un baptême de pénitence.
Et pourtant, quelque chose de neuf se passe ce jour-là. Jean-Baptiste reconnaît Jésus non seulement comme son cousin mais comme celui qui doit venir, celui-là même dont il annonce la venue dans le désert.
Jean-Baptiste, voyant Jésus, trouve que les rôles sont inversés : « C’est moi qui ai besoin de me faire baptiser par toi et c’est toi qui viens à moi ! » Cette rencontre évoque un autre face à face, le soir du jeudi saint, lorsque Jésus, enlevant son vêtement, se met à laver les pieds de ses disciples. Pierre réagit vivement : « Toi, me laver les pieds, à moi ? Jamais ! » Et comme à Jean-Baptiste, Jésus répond : « Plus tard tu comprendras. » Tout s’éclairera dans la lumière de la Passion/Résurrection.
Jésus enlève son vêtement et plonge nu dans le Jourdain. Il se jette à l’eau comme s’il plongeait dans notre humanité. Il en assume tout : la grandeur comme le péché. Il est venu pour cela : ouvrir un avenir à l’homme, lui faire traverser la mer de ses enfermements, de ses esclavages, pour renaître à la vie nouvelle, Terre Promise d’une Alliance renouvelée avec Dieu, nouvelle création.
Jésus ne plonge pas seulement quelques doigts de pieds ! Il plonge tout entier, tout au fond. Plus exactement, il laisse Jean-Baptiste l’immerger totalement. Il s’abandonne entre ses mains. Comme il s’abandonnera sur la croix, nu là encore, totalement vulnérable.
Prenons le temps de réaliser cela, ce mouvement d’abaissement du Fils qui plonge au cœur de notre humanité désunie et déchirée. Aujourd’hui encore, Jésus vient rejoindre chacun d’entre nous. Il plonge en chacune de nos vies, dans la partie la plus sombre de nous-mêmes, la moins avouable, à la rencontre de tout ce qui n’est pas encore libéré en nous pour mieux nous dire : « Tu peux renaître. Si tu meurs avec moi, tu ressusciteras aussi avec moi. »
Car Jésus ne reste pas au fond de l’eau. Il en remonte, et avec lui toute l’humanité lavée de son péché.
Et c’est alors que nous est révélée l’identité profonde de Jésus. Les cieux s’ouvrent. Les hommes se croyaient coupés de Dieu, abandonnés par lui ? En Jésus, Dieu se fait proche, l’un de nous. En Jésus, Dieu prend visage d’homme afin que tout homme puisse le suivre et l’aimer.
L’Esprit de Dieu descend comme une colombe. Le Dieu qui nous est révélé, manifesté, c’est le Dieu Trinité, Père, Fils et Esprit, communion d’amour.
Et cette voix venue du ciel : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : en lui, j’ai mis tout mon amour. » Cette voix qui fait écho et qui accomplit la parole du prophète Isaïe : « Voici mon Serviteur que je soutiens, mon élu en qui j’ai mis toute ma joie. J’ai fait reposer en lui mon esprit » (Is 42,1).
Ainsi s’accomplit enfin le projet de Dieu : « Nous devons accomplir parfaitement ce qui est juste », dit Jésus à Jean-Baptiste. Et, une fois encore, le mystère du Christ nous est révélé. Homme parmi les hommes, il n’est pas comme les autres : lui, le non-pécheur, va prendre la tête des pécheurs. Par le baptême, c’est dans le feu de l’amour trinitaire que tous, nous sommes plongés.
A la messe, nous allons nous lever et nous mettre en route ensemble pour recevoir le Corps du Christ qui vient naître dans nos vies. Comme cette foule au bord du Jourdain, en avançant, nous dirons notre désir de changer, de renouveler notre vie et notre foi en Celui qui est la source de tout renouveau. Puisse le ciel s’ouvrir pour nous. Puissions-nous entendre l’Esprit Saint nous murmurer : « Tu es la fille, le fils bien-aimé du Père. »
Frère Nicolas Morin