Homélie du dimanche 6 mars 2022 – 1er dimanche du Carême – Année C

À L’ÉCOLE DU FILS

Jésus vient d’être baptisé dans le Jourdain. Que s’est-il donc passé de si important ce jour-là ? Souvenez-vous : Jésus sort de l’eau et une voix se fait entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en lui j’ai mis tout mon amour. » Là, au bord du Jourdain, nous est révélée la relation unique de Jésus avec son Père des cieux, et Jésus n’aura de cesse de nous dire que cette relation est offerte à tous les hommes, sans exception. Le baptême fait de nous des enfants bien-aimés. Nous ne sommes plus seuls. Nous avons un Père. Nous sommes chacun capable d’entendre en nos cœurs le Père nous murmurer : « Tu es mon enfant bien-aimé. »

Seulement, la liaison n’est pas toujours bonne, et au lieu d’entendre la voix du Père, c’est une autre voix qui essaye de prendre la place et qui cherche à nous tromper en voulant l’imiter. Et nous nous laissons bien souvent prendre au piège, souvent sans en avoir conscience.

L’évangile de ce dimanche dévoile trois ruses du malin qui cherche à nous embrouiller, à semer en nous la zizanie, le chaos, en nous détournant de la voix du Père. Ecoutons bien :

« Si tu es le fils de Dieu, ordonne à ces pierres de devenir du pain. » Le diable veut dicter à Jésus la bonne manière d’être fils. En résumé, ce serait : « Si je veux, quand je veux, comme je veux ! » Tout est possible… Cela ne vous dit rien ? N’avez-vous jamais entendu cette voix ? Mais c’est une autre voix que Jésus choisit d’écouter, une autre manière d’être fils. Être fils, c’est choisir la confiance : le Père sait mieux que nous ce dont nous avons besoin et il nous donne la nourriture en temps voulu, une nourriture qui rassasie vraiment. Seul celui qui garde les mains ouvertes, qui ne triche pas avec son humanité finie, limitée, peut en faire l’expérience.

Face à ce premier échec, le diable ne s’avoue pas vaincu. Il utilise un autre stratagème. Il emmène Jésus sur une haute montagne, comme s’il en était le maître. « Tout cela, c’est à moi. Tu n’as qu’une chose à faire pour que cela soit à toi : te prosterner devant moi. » Le diable prend la place du Père et il propose à Jésus de faire de même. « Tuons le Père, nous aurons tout l’héritage ! » Cette attitude est à la racine de la crise écologique. Nous avons considéré le monde créé non comme un don du Père mais comme notre bien propre et nous avons agi comme des prédateurs. Qui n’a pas ressenti un jour en lui le vertige de la toute-puissance, cette illusion de tout maîtriser, d’être maître des choses et des gens ? Mais Jésus ne se laisse pas prendre. Le seul pouvoir qu’il revendique, c’est celui de l’amour, un amour qui se nourrit de l’écoute amoureuse de la Parole de Dieu.

C’est bien pourquoi le diable change de stratégie quand il revient à la charge pour la troisième fois. C’est en citant l’Ecriture, qu’il invite Jésus à défier son Père en se jetant depuis le faîte du Temple. Comment Dieu pourrait-il abandonner son Fils ? Mais telle n’est pas la logique de Jésus. Certes, il ne refusera pas un jour d’être élevé mais ce sera sur la croix où sera dévoilée la mystérieuse proximité du Père alors même que Jésus semble abandonné, coupé de cet amour qui l’engendre sans cesse : « Père, entre tes mains je remets mon esprit. »

Et si ce temps de Carême était l’occasion d’être attentifs à ces voix qui nous traversent, à nous exercer à reconnaître la voix qui vient du Père et cette autre voix qui cherche à semer la division en nous coupant du Père. Jésus nous montre le chemin : c’est la rumination, jour après jour, de la Parole de Dieu qui nous permettra peu à peu d’acquérir un sixième sens, de sentir de suite ce qui sonne juste ou non dans les voix qui nous proposent toutes le bonheur, mais lequel ?

Frère Nicolas Morin

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