« Dimanche de la miséricorde »
Nous gardons tous au fond de notre être la nostalgie de traverser la vie sans être blessé par le chemin. Ainsi nous gardons ce vieux rêve de rester toujours jeune sans cicatrice, sans faille. Et parfois nous sommes découragés par les blessures de nos communautés, de nos familles. Blessés aussi par les scandales de l’Eglise, toujours fortement médiatisés. Nous rêvons d’une Eglise plus glorieuse, plus ressuscitée.
La Liturgie de ce dimanche, appelée « Dimanche de la Divine Miséricorde »peut donner un sens aux blessures apparentes ou secrètes. Quand Jésus revoit ses disciples après le drame de la Passion, il retrouve des hommes terriblement déçus, blessés, ulcérés . « Nous espérions qu’il allait délivrer Israël » (Luc 24, 21) Il ne va pas leur faire de grands discours ni des reproches, car tout s’est passé si vite, tout s’est déroulé si dramatiquement. Qui pouvait prévoir un tel déchaînement de haine face à un homme qui a passé sa vie à faire le bien ? Jésus ne pouvait d’abord qu’apaiser ces cœurs blessés.
A ces hommes blessés, Jésus ne pouvait que montrer ses propres blessures. A une communauté blessée, il ne pouvait que montrer ses mains et son côté. Qu’elle pédagogie divine ! A un grand malade, on ne peut faire de grands discours sur la résignation et les joies du ciel. Au soir de Pâques, pour convaincre les disciples de son identité, Jésus en appelle aux traces de sa Passion. Il prendra les traces de mort pour les amener aux traces de vie. IL montrera ses blessures pour leur montrer le chemin.
Mais on peut se demander : Pourquoi cette survivance de blessures dans un corps glorieux ? Si la mort a été vaincue, les plaies elles aussi ne mériteraient- elles pas d’être définitivement guéries, sans laisser de traces ? A cette question on a répondu que les traces de la Passion étaient une preuve. Les plaies devaient aider les disciples à identifier Jésus. Les traces de la Passion devaient montrer que Jésus était bien le même que celui que les disciples avaient vu quelques jours auparavant expirant sur la Croix.
Ce n’est certainement pas faux. Mais on peut aller plus loin. D’ailleurs qui comprendra jusqu’au bout le Mystère ? Les plaies glorieuses sont les traces indélébiles de ce qui furent nos manques d’amour. Isaïe dira : « Il a été transpercé à cause de nos péchés »(53, 5) « C’est dans notre faiblesse qu’il s’est drapé »dira la Lettre aux Hébreux (5 , 2)
Mais tout se retourne dans la Résurrection .Désormais plus rien n’est irrémédiablement perdu :La blessure qui donne la mort devient source de vie. Le péché qui enferme et détruit est pardonné, il devient « Félix culpa » .La blessure de Jésus donne sens à nos propres blessures, nous pouvons les regarder sans nous affoler et nous laisser aimer ainsi. Bien plus les blessures de Jésus deviennent source de lumière et de chaleur, elles guérissent et ouvrent les yeux de Thomas.
Thomas, tu es mon frère quand je doute et que je suis sceptique, quand je veux tout mesurer. Thomas, tu es le porte-drapeau de tous ceux qui ne croient que ce qu’ils voient, mais nous savons que l’essentiel est toujours invisible à nos yeux. Thomas, tu restes bien moderne, on devrait te faire le Patron de tous ceux qui veulent voir, toucher, palper, vérifier.Mais Jésus t’a compris, il t’a pris dans son manteau tout contre lui. Il t’a abrité, caché dans ses plaies. Ainsi il pouvait mieux te faire sentir son Cœur.
Jésus s’est laissé toucher dans ses plaies, encore presque chaudes et Thomas a pu toucher son cœur comme Jean à la Cène. Lui qui s’était enfermé dans son doute, bien compréhensible, qui s’était exclu de cette bande irritante de croyants, est totalement bouleversé, ébloui. Il ne peut que se jeter à genoux, et jeter son cri de foi, le plus beau de l’Evangile : « Mon Seigneur et mon Dieu »
 « Cache mes blessures dans ta blessure, elles m’apporteront la vie. »
Frère Max de Wasseige