Homélie du dimanche 7 juillet 2024. 14ème dimanche du temps ordinaire – Année  B, du frère Nicolas Morin

MA GRÂCE TE SUFFIT

La Liturgie de ce 14e dimanche nous donne d’entendre une des plus belles pages de saint Paul. Les confidences qu’il nous fait le rendent plus humain, plus proche aussi.

Il comme par évoquer, avec discrétion et pudeur, des phénomènes mystiques dont il a été gratifié 14 ans plus tôt. Il y aurait eu là matière à se glorifier, et pourtant « de cet homme-là, je serais fier mais, pour moi, je ne mettrai ma fierté que dans mes faiblesses ».

Et Paul de continuer : « Pour m’éviter tout orgueil, il a été mis une écharde dans ma chair, un ange de Satan chargé de me frapper pour éviter tout orgueil. »

Remarquez qu’en une phrase revient deux fois l’expression « pour éviter tout orgueil », signe que c’est bien là, la tentation première de Paul.

Alors, quelle est cette « écharde dans la chair » dont parle l’Apôtre ? Cela a fait couler beaucoup d’encre, envisager des situations les plus diverses… Respectons la pudeur de Paul. Ne cherchons pas à pénétrer ce qui fait partie de son jardin secret. Accueillons simplement ce qu’il nous dit : alors qu’il avait toutes les raisons de se glorifier, une « écharde dans la chair », un secret combat intérieur, lui fait toucher sa radicale faiblesse et le conduit à l’humilité vraie.

C’est pour lui de l’ordre du combat spirituel, cet écartèlement entre la vie offerte par le Christ et le chemin de mort sur lequel nous entraîne Satan.

« Par trois fois, j’ai prié le Christ de l’écarter de moi. » On pense ici à la douloureuse prière de Jésus à Gethsémani : « Père, si c’est possible, éloigne de moi cette coupe. »

Nous avons chacun « une écharde dans la chair », le lieu d’un combat spirituel : un aspect de notre personnalité que nous désespérons de corriger, un comportement addictif, une difficulté relationnelle, une tentation à laquelle nous n’arrivons pas à résister…

Face à la souffrance que procure cette écharde, deux écueils sont à éviter :

– Nous voiler la face. Refuser de voir ce lien qui nous entrave, cette blessure secrète qui affleure parfois par une rigidité excessive, le besoin de tout contrôler, tout maitriser ou, au contraire, par une vie totalement débridée et sans limites.

– Désespérer de nous-même. Le Malin utilise nos failles pour prendre l’ascendant sur nous, en nous y enfermant. Toute notre vie tourne alors autour de notre blessure ou de notre péché. Nous ne voyons plus qu’elle. Mais notre vie est infiniment plus riche que telle ou telle blessure ou limite. Loin de nous polariser sur elle, il s’agit alors de discerner et développer ce que Dieu a semé de beau et de bon en nous.

Au cœur de sa détresse, alors qu’il aurait pu désespérer de lui-même, Paul reçoit cette parole de vie : « Ma grâce te suffit ; ma puissance donne toute sa mesure dans ma faiblesse. » Et Paul e conclure : « Aussi mettrai-je ma fierté bien plutôt dans mes faiblesses afin que repose sur moi la puissance du Christ. »

Demandons-nous en quoi cette expérience intime que nous livre Paul rejoint notre propre expérience. Le Christ nous a-t-il fait passer de l’amertume à la douceur, de la souffrance d’une douloureuse écharde à la joie d’être aimé et appelé tel que nous sommes, en nous livrant à sa Grâce ?

Frère Nicolas Morin

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