IL Y A PLUS DE BONHEUR A DONNER QU’A RECEVOIR
La liturgie de ce jour nous donne à entendre deux épisodes qui devraient nous scandaliser. Une pauvre veuve, à Sarepta, qui n’a plus rien à manger, non seulement pour elle mais pour son enfant. N’y a-t-il pas souffrance plus grande pour une mère que de voir mourir son enfant ? Et voilà qu’Elie, le Prophète de Dieu, se permet de lui demander le peu qui lui reste, risquant de provoquer ainsi la mort de la mère et de son enfant. Quel est donc ce Dieu qui trouverait son plaisir dans le total dépouillement de ses enfants ?La réaction de Jésus dans l’Evangile n’est-elle pas également scandaleuse : comment peut-il donner en exemple une veuve qui donne les quelques sous qui lui restent, se dépouillant du peu qu’elle a pour vivre ?Le caractère abrupt, scandaleux même de la Parole nous met face à une radicalité qu’il nous faut mieux comprendre et accueillir.
Regardons de plus près ces deux textes :Dans les deux cas, il s’agit d’une situation de détresse radicale. Les veuves sont abandonnées de tous, sans autre moyen de subsistance que la charité publique. Dieu ne regarde pas les apparences. Ce qu’il regarde en elles, ce n’est pas leur misère, c’est leur capacité à partager. Ces deux veuves ne sont pas réduites à leur misère puisqu’elles ont en elles encore quelque chose à partager : un peu d’huile et une poignée de farine, deux piécettes. Personne n’est assez pauvre pour ne rien avoir à partager. Ne plus rien demander, ne plus rien attendre de quelqu’un, c’est le tuer plus sûrement que de le priver de nourriture. Or Dieu espère toujours en nous, en notre capacité à aimer, à donner la vie. Mais Dieu ne force jamais la porte. Il se fait mendiant, à l’image du prophète Elie. Il nous dit toujours « Si tu veux… ».
Dieu ne regarde pas les apparences. Jésus aurait pu souligner les largesses de ces dignitaires qui jetaient à pleines mains leurs pièces d’or dans le tronc du Temple. Au contraire, nous dit Jésus, ceux-là n’ont rien donné. Leur geste était encore une manière de s’enrichir, de se faire remarquer, d’asseoir leur position, de se pousser pour occuper les premières places.
Jésus regarde longuement cette pauvre veuve. Et il la trouve belle. Le geste de cette femme nous apprend plus que tous les discours « Elle a tout donné, tout ce qu’elle avait pour vivre. »
Je pense à cet épisode que racontait Mère Térésa de Calcutta : ayant appris qu’une famille n’avait plus rien à manger, elle se rend dans leur pauvre cabane avec une assiette de riz. Etonnée, elle voit la maman quitter la maison et revenir après un long moment, l’assiette à moitié vide. Devant son regard interrogateur, la maman lui dit simplement : « Nos voisins aussi n’ont rien à manger. »
« Elle a tout donné, tout ce qu’elle avait pour vivre. » Quel est donc ce chemin que nous trace Jésus ? Nous faudra-t-il donc aller jusque-là ?
Si Jésus regarde avec tant de tendresse cette pauvre veuve, c’est sans doute parce qu’il se reconnaît en elle. Qui donc a tout donné, sinon Jésus ? « Ma vie, personne ne la prend, mais c’est moi qui la donne », dira-t-il. Et parce qu’il croit en nous, parce qu’il espère en nous, il nous invite à le suivre sur ce chemin. Jésus nous croit capable d’aimer comme lui.
On le sait, beaucoup de jeunes attendent de leurs éducateurs qu’ils soient exigeants. Justes mais exigeants. Qu’ils les provoquent à aller au bout de leurs capacités, qu’ils les aident à découvrir en eux des richesses insoupçonnées.
Si Jésus est si exigeant, c’est qu’il veut pour nous le meilleur. Et pour cela il ne craint pas de nous prendre à rebrousse poil, à se situer en totale opposition avec nos penchants naturels.
Si Jésus est si exigeant, c’est parce qu’il nous veut à son image. Il est le frère aîné qui nous ouvre la route et nous invite à le suivre.
Jésus nous invite et à mettre en pratique le secret de sa vie : « Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir. »